Fournelle, Marc-Antoine
(2021).
« La naissance des sciences des religions, entre métaphysique du sexe et matérialité de l'éros » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en sciences des religions.
Fichier(s) associé(s) à ce document :
Résumé
On n’ignore pas aujourd’hui que le monde de l’érotisme et celui de la religion entretiennent entre eux quelques rapports. De quoi s’agit-il exactement ? Il n’est pas facile de répondre d’une manière précise et satisfaisante à cette question. Nous savons que certains de ces rapports ont été posés ou présupposés par la théologie, l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie : rapport d’opposition ou de contrariété, rapport de complémentarité, rapport analogique, organique, etc. Pourtant, cette problématique n’a jusqu’ici fait l’objet d’aucun travail de recherche particulier, bien qu’on la repère dans les travaux d’auteurs ayant profondément marqué l’étude de la religion tels que Georg Simmel, Rudolf Otto, Max Weber, Émile Durkheim, Claude Lévi-Strauss, George Bataille et bien d’autres encore. Au carrefour de l’histoire des idées, de l’analyse du discours et de l’épistémologie des sciences sociales, cette thèse présente un certain nombre de modèles théoriques à partir desquels les sciences des religions ont articulé des notions propres aux domaines de la sexualité, de l’érotisme et de la religion, en plus de soulever un certain nombre d’enjeux liés aux cadres heuristiques déployés. En outre, elle montre que sous ses différents avatars, la problématique des rapports entre religion et sexualité compte parmi les premières et les plus élémentaires auxquelles a été confrontée la science des religions, et ce dès l’époque où celle-ci en était encore à définir sa méthode et l’ordre de fait qui devait constituer l’objet de ses investigations. Le premier chapitre s’intéresse principalement aux théories phallicistes développées au cours du XVIIIe et du XIXe siècle. À l’ère des grandes explorations européennes et des premiers essais d’étude comparative, on met en relation les représentations de scènes de copulation observées sur le fronton de temples shivaïtes avec le mobilier récemment excavé de la cité d’Herculanum, où se côtoient les images de phallus et les figurations de divinités ithyphalliques. Trouvant appui dans la littérature classique où sont données certaines descriptions caractéristiques de pratiques et de coutumes religieuses, on en vient à spéculer sur l’universalité d’un culte des organes de la reproduction que l’on fait remonter à la plus vieille antiquité. Le deuxième chapitre se rapporte à la naissance de la sociologie et des théories fonctionnalistes de la religion. Nous montrons comment, à la suite des bouleversements occasionnés par la Révolution Française, les réformateurs sociaux ont posé le problème religieux à partir d’une perspective holistique en usant de la métaphore sexuelle : le mouvement qui va de la dyade à l’unité sexuelle serait-il le modèle permettant de penser l’unité du corps social transcendant la multiplicité individuelle? Inscrivant « la femme » au sein de ce que nous appelons une philosophie des sexes dans l’histoire, ces premiers théoriciens du monde social ont cherché à fonder religieusement la société par le moyen de pratiques cultuelles telles que le culte de la femme et de l’androgyne, la sacralisation de l’union sexuelle ou encore le dogme de la réhabilitation de la chair. Le troisième chapitre s’intéresse à la naissance de la psychologie religieuse et aux premières applications de la méthode expérimentale sur les phénomènes de l’esprit. Au moment où la notion de fétichisme intègre le champ de la psychopathologie sexuelle et où le phénomène masochiste s’éclaire de l’étude attentive des comportements religieux, la réflexion portée sur l’extase mystique annonce la première polémique de la psychologie de la religion. Quels rapports peut-on poser entre l’amour divin et l’amour érotique ? L’émotion religieuse serait-elle une émotion sexuelle avortée ? Tout au long de ce travail, nous nous trouvons confrontés à une pluralité de postulats théoriques permettant de suivre l’évolution des approches et des méthodes en sciences des religions. Se trouvent ainsi exhumées de larges portions du terreau sur lequel se sont constituées les actuelles sciences des religions. L’analyse théorique nous permet de confronter différentes ontologies axiomatiques et de repérer les obstacles épistémologiques qui caractérisent l’étude des rapports entre religion, érotisme et sexualité. Parallèlement, l’analyse discursive nous permet d’organiser le fourmillement des discours étudiés en trois formations discursives pouvant être rapportées à trois instances d’énonciation distinctes. Au terme de l’enquête, la pertinence et la légitimité des recherches ayant trait aux rapports entre religion, érotisme et sexualité sont affirmées, de même que son importance historique. Cependant, les résultats que de telles recherches sont susceptibles de produire demeurent limités. Cela est dû au fait que la théorie ne peut négliger de prendre en compte ce que l’expérience religieuse et l’expérience érotique comportent d’incommunicable. Ainsi, la synthèse de nos observations nous amène-t-elle à reconsidérer l’ensemble de la question dans le cadre d’une réflexion sur les fonctions et les limites du langage.
_____________________________________________________________________________
MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Sciences des religions, érotisme, sexualité, sociologie de la religion, psychologie de la religion, phallicisme, fétichisme, masochisme, mysticisme, analyse du discours, épistémologie
RECHERCHER
PARCOURIR
LIBRE ACCÈS
