Abdela, Sophie
(2017).
« Formes et réformes : la prison parisienne au XVIIIe siècle » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en histoire.
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Résumé
On sait bien peu de choses sur la prison parisienne du XVIIIe siècle. Si les historiens ont été fascinés par le pénitencier du XIXe, ils ont largement négligé la geôle d'Ancien Régime. La période n'a pas été entièrement ignorée, bien sûr : elle voit naître les écrits de Beccaria qui remettent en cause le régime des supplices et qui mettent en branle la réforme pénale. C'est aussi le temps du Grand Renfermement des pauvres et des asociaux dont l'Hôpital général et le dépôt de mendicité sont les plus nettes matérialisations. Mais, là encore, la prison, qui faisait pourtant partie intégrante de la procédure judiciaire de l'époque, a été écartée. Le présent travail vise à combler une partie de cette béance en explorant le monde de la prison prépénale dans le Paris du XVIIIe siècle. Bien loin de constituer un objet isolé, cette geôle ordinaire doit être intégrée à part entière dans l'histoire carcérale, celle-là même qui mène jusqu'au pénitencier. La démonstration s'articule en trois grandes parties entre lesquelles les liens sont nombreux. La première prend pour assise la structure de la prison : sa charpente, ses bâtiments, sa constitution matérielle. Elle aborde les établissements d'enfermement d'abord et avant tout comme des objets tangibles et concrets. La prison du XVIIIe siècle apparaît immédiatement comme un objet fondamentalement urbain, campé dans le centre de Paris. Cette proximité physique entre la prison et la ville s'inscrit dans l'espace, mais aussi dans les pratiques : les établissements carcéraux demeurent largement ouverts aux nombreux visiteurs qui en traversent le seuil. C'est de cet emboîtement entre la prison et le cadre urbain que naît toute une panoplie de projets architecturaux. Leurs visées sont multiples, mais ils traduisent tous le rêve hygiéniste et médical de la société des Lumières : c'est d'abord en tant que structure urbaine que les architectes, les médecins et les académiciens ont tenté de réformer et d'améliorer la prison, non en tant qu'objet judiciaire. Cette proximité entre geôle et ville, devenue, au fil du siècle, indécente et dangereuse, éclot sur un projet nouveau : la prison périphérique. La seconde partie quitte la structure de la prison parisienne pour plonger dans ses circuits financiers. C'est un lieu commun de dire que la prison d'Ancien Régime manque de tout et souffre d'un financement déficient, mais le fonctionnement même de ce financement demeure méconnu. Il s'agit donc d'explorer deux grandes questions : d'où vient l'argent et où va-t-il? Ces interrogations dessinent les contours d'un monde divisé en trois strates économiques aux connexions nombreuses. Il s'agit d'abord de comprendre comment la prison parisienne est financée, par qui, suivant quels principes et priorités. L'hésitation entre fonds publics et dons charitables est partout perceptible. Elle rappelle que l'origine des recettes carcérales est centrale dans la compréhension de la prison des Lumières : à qui incombe la prise en charge des prisonniers? L'État, dans ce domaine comme dans plusieurs autres, tend à s'accaparer de nouvelles responsabilités. Il s'agit ensuite d'exposer comment la geôle existe aussi en tant qu'entité économique. À ce titre, une série d'acteurs des circuits marchands gravitent autour d'elle : les fournisseurs. Leur présence révèle que la prison n'est pas seulement un lieu d'enfermement et de contrainte, mais qu'elle est aussi un marché potentiel. Enfin, les circuits financiers des geôles parisiennes plongent leurs racines dans des pratiques plus ou moins opaques mises en œuvre au cœur même des prisons : entre les mains des concierges, greffiers, guichetiers et détenus, l'argent circule sans cesse. C'est en partie pour en assurer un meilleur contrôle que l'État décide de prendre plus étroitement en main les finances de ses prisons. Finalement, la troisième partie pénètre plus en profondeur le monde carcéral en ciblant les hommes qui la composent. Car la prison est aussi faite de relations, entre les détenus bien sûr, mais également entre les détenus et le personnel qui en a la garde. Les archives font valoir qu'alors qu'on s'affaire à réorganiser matériellement et financièrement la prison, les détenus mettent au point leurs propres stratégies et règlements afin de mettre à profit leur environnement. De même, le personnel tend à miser sur la collaboration et le compromis plutôt que sur la répression à tout prix : la priorité n'est pas le contrôle, mais le maintien d'un ordre raisonnable et sécuritaire. La prison, malgré tout, pouvait entrer en crise lorsque ces manœuvres s'avéraient insuffisantes. Ces soubresauts soudains exposent avec acuité combien la nature urbaine de la prison et ses circuits économiques avaient des incidences et des influences extrêmement concrètes sur la vie des détenus et sur la gestion interne des prisons au sens beaucoup plus large. Surtout, ils laissent filtrer une donnée inattendue : le pouvoir de révolte des prisonniers serait-il aussi un pouvoir de réforme?
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Prisons, Paris, France, Conciergerie, Grand Châtelet, Petit Châtelet, For L'Évêque
Type: |
Thèse ou essai doctoral accepté
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Informations complémentaires: |
La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur. |
Directeur de thèse: |
Bastien, Pascal |
Mots-clés ou Sujets: |
Prisons / Conception et construction / Finances / Prisonniers / Personnel / France / Paris / Histoire / 18e siècle / Ancien Régime |
Unité d'appartenance: |
Faculté des sciences humaines > Département d'histoire |
Déposé par: |
Service des bibliothèques
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Date de dépôt: |
16 mars 2018 12:50 |
Dernière modification: |
16 mars 2018 12:50 |
Adresse URL : |
http://archipel.uqam.ca/id/eprint/11035 |