Le chant des sirènes ou de la démesure océanographique dans les récits d'exploration sous-marine en France (1950-1960)

Marcil-Bergeron, Myriam (2020). « Le chant des sirènes ou de la démesure océanographique dans les récits d'exploration sous-marine en France (1950-1960) » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en études littéraires.

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Résumé

Cette thèse s’intéresse aux rapports entre les sciences et la littérature. Par l’analyse du langage et de ses figures, celle-ci aborde autant le processus de découverte que la diffusion des savoirs. Elle ouvre ainsi des perspectives susceptibles d’éclairer l’activité scientifique, de l’interpréter à travers d’autres disciplines telles que la philosophie, la sociologie et la vulgarisation. Si, depuis le positivisme au XIXe siècle, la science se présente souvent comme un discours évitant les effets littéraires, les exemples de textes faisant preuve d’une rhétorique hyperbolique ne manquent pas. Après la création dans la Marine française du Groupe d’études et de recherches sous-marines en 1950, des militaires et des scientifiques ont écrit sur le perfectionnement du scaphandre autonome et l’invention du bathyscaphe, appareils permettant désormais d’atteindre de plus grandes profondeurs et de se déplacer sans la contrainte d’un câble relié à la surface. Leurs récits témoignent donc d’un changement épistémologique majeur pour la recherche océanographique. Yves Le Prieur, Philippe Diolé, Jacques-Yves Cousteau, Frédéric Dumas, Philippe Tailliez, Georges Houot, Pierre Willm, Théodore Monod et Auguste Piccard entendent décrire la réalité objective de la plongée en racontant au grand public leurs observations d’un monde encore inconnu dans la première moitié du XXe siècle. Pour rendre visible un milieu hors de la portée naturelle de nos sens, le recours à un cadre artificiel est inévitable. Ceci rapproche les récits d’exploration sous-marine du débat initié par la lunette astronomique de Galilée au XVIIe siècle. Comment les instruments affectent-t-ils la perception de l’espace observé et la représentation qui s’ensuit? Même s’ils mentionnent les déformations optiques causées par le masque et le hublot, les plongeurs tendent à oublier les restrictions de l’équipement pour mieux imaginer les paysages qui se dévoileront grâce au progrès technique. Malgré leur volonté explicite de corriger les invraisemblances de la littérature de fiction, et particulièrement celles du roman Vingt mille lieues sous les mers (1870) de Jules Verne, ils font de la démesure le sens propre du discours océanographique : leurs actions sont héroïques, le monde subaquatique extraordinaire et ses ressources formidables. L’analyse de l’actualité s’adressant au public non spécialisé aujourd’hui et des récits d’exploration sous-marine publiés en France entre 1950 et 1960 permet d’identifier plusieurs procédés poétiques et rhétoriques récurrents, tels le miroir de la surface, la métamorphose de l’humain en plongeur et l’analogie sidérale. Ceux-ci témoignent d’une fascination pour le milieu découvert, mais donnent aussi à lire la violence à l’œuvre dès les premiers gestes cynégétiques et l’anticipation de projets industriels. Au-delà de l’envoûtement de la plongée, comparé à celui que provoque le chant des sirènes, certains pressentent les conséquences néfastes d’une exploitation excessive des ressources biologiques et minières sous-marines. D’autres expriment une peur viscérale à l’égard des profondeurs : les épaves imposent leur réalité angoissante et laissent présager leur disparition inévitable dans les entrailles d’un monde évoquant le chaos originel. Prenant acte de la publication récente de rapports alarmants sur l’état de la biodiversité sur Terre et du climat par l’Organisation des Nations Unies (ONU), où les océans apparaissent comme un acteur majeur, cette thèse aborde les enjeux écologiques, économiques et politiques soulevés par une plus grande accessibilité au milieu subaquatique depuis les années 1950. Devant la persistance des mêmes effets littéraires dans le discours océanographique depuis plus de cinquante ans, l’hypothèse guidant les analyses présentées est celle d’une urgence à exercer un travail critique à l’égard du langage par lequel se raconte et se conçoit l’exploration sous-marine. Qu’il s’agisse de la découverte, de la protection ou de l’exploitation des ressources, une empreinte possessive et orgueilleuse – nos océans, notre futur – tente de maintenir l’illusion d’une entreprise conquérante au moment même où elle vacille face à la démesure d’un univers signifiant aussi bien l’origine que la fin des temps. _____________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : changements climatiques, démesure, destruction des écosystèmes, discours océanographique, écologie, figure, imaginaire scientifique, paysage sous-marin, récit d’exploration sous-marine, vulgarisation scientifique

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Directeur de thèse: Chassay, Jean-François
Mots-clés ou Sujets: Littérature et sciences / Exploration sous-marine / Écrits de scientifiques / Récits de mer / Imaginaire / Vulgarisation scientifique / Plongée sous-marine / Bathyscaphes / Mer dans la littérature
Unité d'appartenance: Faculté des arts > Département d'études littéraires
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 20 janv. 2021 16:19
Dernière modification: 20 janv. 2021 16:19
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/13883

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