Migration interprovinciale dans la zone bilingue du Canada

Sioufi, Rana (2016). « Migration interprovinciale dans la zone bilingue du Canada » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en psychologie.

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Résumé

Cette thèse aborde la question du désir de migration interprovinciale des francophones et des anglophones de la « zone bilingue du Canada » qui s'étend du Nouveau-Brunswick à l'Ontario en passant par le Québec (Lieberson, 1970). Plus particulièrement, nous cherchons à expliquer la tendance de personnes appartenant à divers groupes linguistiques dans une quelconque province à vouloir s'installer dans d'autres. Pour faire notre étude, nous avons effectué un sondage parmi les Acadiens du Nouveau-Brunswick et les Franco-Ontariens, qui sont minoritaires à l'échelle provinciale et fédérale, et parmi les deux communautés linguistiques au Québec : les francophones qui sont majoritaires au sein de la province mais minoritaires au niveau national, et les anglophones qui constituent une minorité au niveau provincial alors qu'ils forment la majorité au Canada. La thèse traite également des nombreuses implications économiques, sociales et démolinguistiques découlant des migrations intra-nationales et leurs conséquences pour les communautés d'accueils des régions d'établissement. Alors que la migration intra-nationale se caractérise par des mouvements de population d'une région à l'autre dans le même pays, la migration internationale implique des immigrants étrangers en attente de citoyenneté dans les pays où ils se sont établis. Malgré cette différence, les deux types de migration ont en commun un ensemble de causes fondamentales et partagent des tendances migratoires complémentaires, se renforçant l'une et l'autre selon les clivages régionaux dans les domaines économiques, linguistiques, ethniques et religieux (King & Skeldon, 2010). Les recherches portant sur la migration interprovinciale au Canada ont démontré surtout l'importance des facteurs économiques qui font que les Canadiens se dirigent principalement vers les provinces offrant de meilleurs emplois et salaires que leur province d'origine (Coulombe & Tremblay, 2009). En outre, Bernard, Finnie et St-Jean (2008) identifient la langue comme un corrélat des migrations interprovinciales, ayant démontré que les Québécois anglophones sont dix fois plus susceptibles de quitter le Québec que les anglophones du reste du Canada et que les francophones du reste du Canada sont trois fois plus susceptibles de quitter leur province d'origine comparés à la population canadienne générale. Un premier but de cette thèse est d'appliquer deux cadres théoriques portant sur les relations entre les communautés d'accueil et les immigrants internationaux dans le contexte de migration interprovinciale au Canada, notamment le modèle d'acculturation interactif (MAI; Bourhis, Moise, Perreault, & Sénécal, 1997) et l'Instrumental Model of Group Conflict (IMGC; Esses, Jackson, & Armstrong, 1998). Selon l'IMGC, quand les membres d'une communauté d'accueil perçoivent une situation de compétition entre eux et les communautés immigrantes pour des ressources limitées, ils développent des attitudes défavorables envers celles-ci. Un deuxième but, s'appuyant sur ces modèles, est de mieux comprendre la tendance des francophones et anglophones d'émigrer vers une autre province canadienne, tenant compte des facteurs économiques, psychologiques et sociaux. Dans les 2 premières études effectuées pour la présente thèse, nous avons obtenu la participation de 656 étudiants universitaires francophones dont 204 au Québec, 227 au Nouveau-Brunswick et 227 en Ontario. L'étude 3 a été menée au Québec ou nous avons obtenu la participation de 205 étudiants anglophones et de 234 étudiants francophones. Dans les trois études les étudiants francophones et anglophones ont complété des questionnaires comprenant une série d'échelles, de types Likert, qui ont servi à mesurer des variables portant sur les questions de migration et d'accueil de migrants interprovinciaux et internationaux. Notre première étude porte sur la question suivante : Les francophones de la région bilingue sont-ils plus favorables à l'arrivée de migrants interprovinciaux canadiens-français que les migrants canadiens-anglais malgré l'identité nationale canadienne qu'ils ont en commun? Les francophones se sentent-ils plus menacés par les migrants anglophones et ce, en raison d'un souci pour la vitalité de leur communauté linguistique? D'après les résultats obtenus, nous avons pu conclure que les Québécois francophones, Acadiens et Franco-Ontariens préfèrent des migrants interprovinciaux/internationaux appartenant à leur propre groupe linguistique. L'étude démontre également que plus les francophones dans les trois provinces se sentent menacés par les migrants Canadien anglais, plus ils endossaient des attitudes négatives contre eux, et moins ils étaient favorables à les accueillir dans leur région. La deuxième étude aborde les questions suivantes : Jusqu'à quel point les jeunes francophones du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario souhaitent-ils émigrer vers une région anglophone ou francophone du Canada? Outre les raisons économiques et familiales, quelle place occupent les tensions linguistiques parmi les facteurs de migration? Peut-on identifier des variables psychologiques susceptibles de représenter le profil de ceux qui aimeraient émigrer vers une destination intra-nationale ou internationale? L'étude a conclu que la volonté d'émigrer vers une région/province francophone, une province anglophone ou vers les États-Unis était très faible pour les trois groupes de francophones; néanmoins, le facteur économique avait le plus grand poids explicatif. En ce qui a trait aux variables socio-psychologiques proposées comme corrélats, plusieurs ont permis de prédire la volonté d'émigrer parmi les trois groupes, y inclus l'endossement d'attitudes accueillantes favorables envers les migrants internes. La troisième étude porte sur le désir d'émigrer des anglophones et francophones du Québec. En tant que minorité linguistique au Québec, les Québécois anglophones sont-ils plus disposés à vouloir quitter la province que les Québécois francophones? Comment le désir d'émigrer et les corrélats socio-psychologiques relatifs à la migration interprovinciale diffèrent-ils entre les deux groupes linguistiques? Nos résultats démontrent que la volonté d'émigrer des Québécois anglophones est plus grande que celle des francophones, non seulement pour raison d'emploi mais aussi parce que les Québécois anglophones ressentent les tensions linguistiques au Québec et qu'ils ont l'impression d'être l'objet d'intolérance et de discrimination. Aussi, l'endossement des orientations d'acculturation intégrationniste et séparatiste ont émergé comme prédicteurs significatifs du désir des Québécois anglophones de s'exiler du Québec. Les Québécois francophones, quant à eux, envisageaient l'émigration vers les autres provinces canadiennes uniquement pour des raisons de développement personnel (avancement professionnel, études supérieures, expériences culturelles). Globalement, les résultats de cette thèse soutiennent la persistance des "deux solitudes" entre nos répondants francophones et anglophones. Pour les membres des deux communautés l'importance de la vitalité endogroupe semble être une considération principale lorsqu'ils songent à l'accueil de migrants francophones ou anglophones, selon le cas. Les motivations économiques semblent jouer également un rôle principal dans l'émigration bien que le rôle des tensions linguistiques et celui du désir de vivre une nouvelle expérience culturelle étaient non-négligeables. En outre, les facteurs sociopolitiques se sont avérés importants, surtout pour les Québécois anglophones. Les résultats suggèrent par ailleurs que les soucis des communautés d'accueil liés à la vitalité ethnolinguistique de l'endogroupe influencent l'attitude d'accueil envers divers groupes de migrants et ce selon leur contribution potentielle à la vitalité de leur communauté. Telles considérations doivent certainement avoir un impact réciproque quant à la volonté d'émigrer vers une autre province, ce qui laisse croire que la décision pourrait dépendre d'un sentiment de loyauté envers l'endogroupe. Cette thèse atteste aussi du rôle de certaines variables socio-psychologiques, telles les orientations d'acculturation et la perception de concurrence intergroupe, quant à la décision d'émigrer. Les implications théoriques et pratiques sont discutées dans le dernier chapitre à la lumière des résultats obtenus. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Canadiens-anglais, Canadiens-français, zone bilingue du Canada, vitalité ethnolinguistique, menace intergroupe, croyances à somme-nulle, deux solitudes, migration interprovinciale, orientations d'acculturation, discrimination.

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur.
Directeur de thèse: Bourhis, Richard
Mots-clés ou Sujets: Migration intérieure / Canada / Bilinguisme / Minorités linguistiques / Diffusion des langues / Migrants internes -- Intégration / Canadiens français / Canadiens anglais / Acadiens
Unité d'appartenance: Faculté des sciences humaines > Département de psychologie
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 29 nov. 2016 20:52
Dernière modification: 29 nov. 2016 20:52
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/9118

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