Quézel, Antoine B.
(2024).
« Crise de légitimité, crise de légitimation et délibération : ce que le cas #MeToo québécois nous apprend de la légitimité et ses dynamiques » Mémoire.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Maîtrise en science politique.
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Résumé
Notre aventure débuta par une remarque toute simple. En 2014, avec #AgressionNonDénoncée, la légitimité de l’État québécois de rendre justice semble en crise puisqu’un processus parallèle au monopole de la justice est mis en oeuvre. Pourtant, l’État ne modifie ses paramètres que quelques années plus tard, après #Metoo. La vision hobbesienne de l’État qui est la nôtre ne permet, en théorie, pas ce genre de délai. Selon cette vision, le processus judiciaire est un attribut essentiel de l’État et doit être son monopole. Pour expliquer ce décalage entre théorie et pratique, j’avance que la mise en compétition n’était pas continue dans le temps. Une question demeure : pourquoi l’État fait-il, éventuellement, évoluer ses paramètres? D’après moi, c’est parce que les valeurs hégémoniques au sein de sa société ont-elles aussi évoluées. Cette coévolution société/État s’explique par les phénomènes de crise de légitimité et de légitimation qui, pour la première, force la discussion alors que la seconde sert d’argument à ceux qui veulent du changement. Cette vision s’inscrit à l’intérieur des théories délibératives. D’abord, j’ai établi que la légitimité et la justice sont différentes. La première est une croyance que quelque chose est juste. Elle se base sur des perceptions et des valeurs. On reconnait le droit d’exister de cette chose. La justice est un absolu moral. Afin d’établir la légitimité de l’État pour sa société, certains veulent observer l’absence de violence physique pouvant orienter le comportement des individus. Pas moi, notamment parce que de distinguer qui est influencé par la violence de ceux qui adhèrent vraiment à l’État est un exercice hasardeux. La contestation de l’État, même massive, est prévue par le système soi-disant démocratique et dénote un problème de légitimité tout en participant à la délibération collective. Toute chose qui existe a, par défaut, le droit d’exister. Le simple fait de contester l’existence ne l’empêche pas. Selon moi, la crise de légitimité s’observe quand le système est perturbé par quelque chose de totalement imprévu (la crise) qui empêche la poursuite de son droit d’exister (de légitimité). Pour l’État, cette crise se manifeste lorsque l’un de ses monopole est mis en compétition par des gens qui le croient injuste. Le second chapitre recense les ressources de légitimation de l’État – ce qui suscite l’adhésion de la population à la légitimité de l’État – de même que ses mécanismes d’ajustement. C’est aux politiciens que revient la charge de modifier les paramètres de l’État lorsque les autres mécanismes ne suffisent plus. L’État possède des ressources de légitimation particulières qui comprennent notamment les qualificatifs utilisés pour le définir : État démocratique, système de justice, etc. D’après moi, il y a problème de légitimation dès qu’une partie de la population n’adhère plus à l’État en tout ou en partie. De même, la crise de légitimation survient lorsque la majeure partie de la population n’adhère plus à l’État en tout ou en partie. En ce sens, on peut mesurer la capacité de légitimation de l’État en mesurant l’adhésion qu’il suscite par le taux de participation ou par le taux de confiance si la participation est obligatoire. Le troisième chapitre traite de la relation entre ordre social, État et la légitimité. L’ordre social est un ensemble de normes fondé sur des valeurs. Ces normes créent des attentes envers les comportements des individus selon leur conformité aux normes et valeurs. Certains ont davantage d’agentivité pour modifier les normes alors que d’autres ne peuvent que les subir. On placera chacun sur un continuum à deux extrémités : (1) agent de l’ordre social et (2) subalterne. L’État, en codifiant certaines normes dans ses lois et en autorisant l’utilisation de la violence pour les renforcer, est l’outil ultime de (re)production de l’ordre social. Pour qu’elles soient effectives, la norme et la sanction appliquée en cas de déviance doivent être légitimes. Il faut donc que tous s’entendent sur la norme qui existe, les attentes qu’elle crée et les conséquences possibles à son non-respect. En ce sens, les penseurs des théories délibératives qui veulent que le consensus s’établisse sur les valeurs devant guider nos actions commettent une double erreur. Il faut plutôt qu’un ensemble de valeurs soit hégémonique au sein d’un espace public. Le seul consensus nécessaire porte sur quel ensemble de valeurs hégémoniques a effectivement cours au sein de la société pour que tous sachent comment se présenter dans l’espace public de même que les sanctions applicables si on dévie de la norme. C’est grâce à la crise de légitimité qui força la discussion collective sur les valeurs et les normes en lien avec les victimes de violences sexuelles que la société québécoise et son État finirent par évoluer. La crise de légitimation, elle, servit d’argument dans la délibération collective. L’argument de la crise de légitimation pour modifier le système fonctionne bien puisqu’un système est destiné à être utile et utilisé par ceux à qui on le destine. Ce qui explique qu’un argument percole davantage dans un espace public plutôt qu’un autre c’est que tous les peuples n’ont pas les mêmes ouvertures sur tous les sujets.
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