Laviolette-Cayouette, Gabriel
(2016).
« Le leadership dans les Forces armées canadiennes : étude sur les restructurations socio-historiques d'un concept » Mémoire.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Maîtrise en sociologie.
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Résumé
Le but de ce mémoire est d'explorer le concept du leadership, et par extension celui du professionnalisme, au sein des Forces Armées Canadiennes. Il est inspiré d'une différence observée entre les deux définitions officielles du leadership au sein de l'institution. Une première, datant de 1973, se lit comme suit: « Le leadership est l'art d'influer sur le comportement humain dans le but de réaliser une mission de la façon voulue par le leader. ». La deuxième, publiée en 2005, le définit différemment : « diriger, motiver et habiliter de manière à ce que la mission soit accomplie avec professionnalisme et éthique, et chercher en même temps à développer ou à améliorer les capacités qui contribuent au succès de la mission. ». La question de recherche est donc de savoir qu'est-ce qui c'est produit pour nécessiter une telle refonte de la définition en 2005? Nous avançons trois hypothèses : que le leadership joue un rôle particulièrement important dans le maintien de l'institution; qu'une forme moderne du leadership exercée dans une institution en transformation vers la postmodernité éprouva des difficultés dans son rôle de reproduction institutionnelle; et que l'efficacité ou les moments de crises de la reproduction institutionnelle dépendent d'une affinité entre le discours institutionnel, l'esthétique du leadership et les subjectivités qui constituent l'organisation. Un obstacle significatif que nous avons rencontré est l'absence de définition institutionnelle du leadership avant 1973. Un autre obstacle - lié au corpus scientifique sur le sujet - fut l'absence de consensus quant à la définition d'une force armée traditionnelle, moderne ou postmoderne. Nous avons tenté d'établir les jalons conceptuels d'une force armée moderne, qui est notamment reliée au monopole de la violence légitime par l'État du 17ième siècle, et l'importance corollaire de la discipline au sein de la nouvelle profession militaire. Les forces armées modernes sont aussi fondamentalement conservatrices. Cet aspect sera particulièrement intéressant dans le cas canadien selon deux axes. Le premier axe, les pressions politiques exercées sur l'institution pour s'adapter aux changements (budgétaires, linguistiques, politiques extérieurs) forcera des restructurations organisationnelles dès le début de la guerre froide (force permanente et volontaire), et, de manière plus radicale, dès 1968, une restructuration du rapport civilo-militaire avec « l'unification » des Forces Armées Canadiennes. Le deuxième axe de changement survient suite aux pressions sociales internes pour la reconnaissance des femmes, gais et lesbiennes de l'institution. Le repli moderniste du leadership de l'Armée canadienne (1968-1993) ne fut pas en mesure de s'adapter à ces changements au sein de l'organisation et de la composition sociologique changeante. En même temps, on s'aperçoit que deux modèles commencent à coexister au sein des FAC : un modèle proprement moderne qui se constitue surtout des armes de combat, et un modèle postmoderne qui englobe les métiers techniques, administratifs et de supports. Cette approche liée à l'identification des décalages semble prometteuse pour interpréter des moments de crises institutionnelles. Par exemple, les évènements liés aux déploiements « non autorisés » des Navires canadiens de Sa Majesté lors de la crise des missiles de Cuba de 1962 peuvent être interprétés comme le choc d'une force militaire moderne opérant dans une relation civilo-militaire moderne à l'intérieur d'un conflit postmoderne. La crise, issue de la contradiction de ses différents modes, mènera à la restructuration du rapport civilo-militaire qu'entretenait le gouvernement canadien avec ses forces armées. Les évènements de 1993, l'affaire somalienne, peuvent être interprétés comme le déploiement d'une armée moderne dans un conflit postmoderne. Le leadership sera identifié comme faisant défaut. La crise mènera à la restructuration du professionnalisme et du leadership au sein de l'organisation. La question demeure cependant : les restructurations suivant ces crises furent imposées sur l'institution de l'extérieur, par le gouvernement canadien, comment en effet ces changements seront-ils intégrés? Et comment le leadership sera-t-il en mesure de reproduire l'institution et les subjectivités voulus par le gouvernement canadien, en bout de ligne, le peuple canadien?
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Forces armées canadiennes, Armée canadienne, Marine royale canadienne, Aviation royale canadienne, reproduction institutionnelle, leadership, professionnalisme