Trépanier, Alice
(2021).
« « Notre cododo » : exploration phénoménologique-herméneutique de l'expérience vécue du partage du lit chez des mères et des petit.e.s le pratiquant de la naissance de l'enfant à ses trois ans (au minimum) » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en psychologie.
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Résumé
La présente recherche explore l’expérience de mères et d’enfants pratiquant le partage du lit, de la naissance à l’âge de trois ans au minimum, par une méthodologie phénoménologique-herméneutique féministe. Une de ses principales contributions est d’approfondir le concept d’auto-nomie. Elle a été conduite à partir d’entrevues individuelles et de groupe avec six mères ainsi que des entrevues individuelles comportant jeux de rôle et dessin avec six enfants. Il s’agit de la première étude portant sur l’expérience vécue du cododo à laquelle ont participé des enfants. Un sondage en ligne auprès de la population québécoise a aussi permis de tester le potentiel de généralisation de certains résultats des entrevues (n = 2529). Dans les sociétés occidentales, l’immémorial sommeil social et polyphasique s’est radicalement transformé, depuis environ 150 ans, en sommeil individualisé et consolidé. Le partage du lit mère-enfant est maintenant extrêmement controversé. La recherche scientifique reflète le regard social négatif en se concentrant sur ses aspects potentiellement inquiétants. La santé publique recommande le sommeil séparé des bébés, invoquant la prévention de décès. De plus, divers·es expert·e·s dénoncent les supposés ravages du cododo sur le développement de l’enfant et sur les parents. Or, la littérature scientifique ne permet de tirer aucune conclusion tranchée tant ses résultats sont mixtes, biaisés et confus. Plusieurs chercheur·e·s avancent que, lorsque certains facteurs de risque sont isolés et pris en compte par les parents, le partage du lit est non seulement sécuritaire, mais permettrait des interactions mère-enfant harmonieuses : cette pratique a co-évolué avec l’espèce humaine et favoriserait l’allaitement. Au milieu de la controverse et d’un discours objectivant, il apparaît primordial de redonner aux mères et aux enfants la parole afin de réhumaniser la sphère du sommeil des petit·e·s. Les résultats de la présente recherche indiquent que le partage du lit est une expérience multidimensionnelle hautement riche et complexe, dépassant largement les questions de la sécurité et de l’aspect pratique pour l’allaitement. Il s’agit d’un espace éthique et sensible au service de la relation mère-enfant, s’inscrivant dans la reconnaissance de la subjectivité des petit·e·s et dans le soutien à leur auto-nomie. La spatialité du cododo indique que c’est dans la proximité physique qu’apparaissent les outils du travail du care des mères qui, grâce à un travail d’imaginaire, résistent à la prescription architecturale qui enjoint l’éloignement des générations. Elles négocient également une temporalité basée sur l’expérience vécue à l’intérieur du rapport au temps rationalisé du monde du travail capitaliste. Il s’agit d’une expérience incarnée dévoilant une grande richesse sensorielle, un rapport de confiance à l’égard du vécu corporel, mais aussi un labeur corporel. Sur le plan existentiel, le cododo contribue au sens de la vie de ces femmes notamment à travers sa dimension esthétique et son éthique du visage endormi. Cette pratique est vécue comme une expérience identitaire emblématique de leur maternité. Les résultats portant sur le vécu des enfants mettent en lumière leur subjectivité. Ils investissent le cododo comme un terrain d’exploration de différentes modalités relationnelles, du vivre-ensemble et de leur auto-nomie. Le vécu des couples, quant à lui, est marqué par l’adaptation, mais aussi la complicité et la créativité, notamment dans leur sexualité. Les conjoints ont diverses manières de s’impliquer dans le travail familial. Certaines femmes rapportent toutefois un important manque de soutien. Finalement, les participantes expriment un vécu sociopolitique souffrant marqué par diverses formes de violences hétéronomisantes tant de la part de leurs proches que de celle du milieu médical, manifestation de la biopolitique. Mais elles témoignent aussi d’une auto-nomisation, d’un empowerment et d’une confiance en leur autorité épistémique. Il apparaît impératif de revoir le discours médico-politique en prenant en considération le vécu des familles. Une étude de Statistique Canada publiée en 2019 révèle que 60 % des mères canadiennes ont déjà pratiqué le partage du lit avec leur bébé. La présente recherche montre que 60 % des mères qui le pratiquent l’ont déjà caché à un·e professionnel·le par anticipation d’un jugement négatif de sa part. Ces omissions entravent la possibilité d’une prévention appropriée et démontrent, avec les autres résultats de cette recherche, la nécessité de contextualiser la pratique du cododo et de reconnaître l’autorité épistémique des mères.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Cododo, partage du lit, mères, bébés, expérience vécue, périnatalité, maternité, famille, proximité, phénoménologie, herméneutique, féminisme, corporéité, sommeil, empowerment, travail du care, autonomie, biopolitique, éthique, éducation démocratique.
Type: |
Thèse ou essai doctoral accepté
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Informations complémentaires: |
Fichier numérique reçu et enrichi en format PDF / A. |
Directeur de thèse: |
Vinit, Florence |
Mots-clés ou Sujets: |
Cododo / Mères / Tout-petits / Bébés / Récits d'expériences vécues / Périnatalité |
Unité d'appartenance: |
Faculté des sciences humaines > Département de psychologie |
Déposé par: |
Service des bibliothèques
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Date de dépôt: |
18 nov. 2021 10:05 |
Dernière modification: |
24 oct. 2023 09:35 |
Adresse URL : |
http://archipel.uqam.ca/id/eprint/14755 |