St-Louis, Jean-Charles
(2018).
« Parler de "la diversité" au Québec : une étude généalogique des discussions récentes sur le pluralisme et la citoyenneté » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en science politique.
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Résumé
L'objectif de cette thèse est de tracer un portrait de l'organisation des prises de parole au sujet du pluralisme dans le cadre des discussions récentes à propos du régime de citoyenneté québécois. Je propose pour ce faire d'aborder les interventions faites lors de trois importantes consultations publiques – la Commission des États généraux sur l'éducation (1995-1996), la Commission des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec (2000-2001) et la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles (2007-2008) – sous l'angle des luttes pour le sens de la citoyenneté et de l'appartenance qu'elles mettent en scène. Ma proposition générale est que ces interventions participent pour la plupart d'un langage fortement ancré dans les lieux communs du nationalisme libéral. Elles posent ainsi le partage d'une « identité », d'une langue et d'une culture (nationales) communes comme la condition préalable à la réalisation des principes démocratiques et à l'approfondissement du pluralisme. Cette image de la collectivité idéale ou normale, au sein de laquelle on pourra tolérer certaines exceptions bien balisées, est composée de lieux communs et de certitudes qui forment quelque chose comme une « grammaire » (Bonilla-Silva, 2012) de l'appartenance. Les discours participant de cette grammaire ont pour prétention d'énoncer la mise en forme légitime de la société québécoise, à travers une voix que l'on peut qualifier de « souveraine ». Différentes trajectoires discursives mineures sont tracées en périphérie ou à contre-courant de certains de ces lieux communs, proposant leur révision ou brouillant le consensus quant aux préoccupations hégémoniques qu'ils articulent. Le premier chapitre situe ma démarche dans le champ des études sur le nationalisme, l'identité et l'appartenance au Québec. Il vise à asseoir la pertinence d'une approche qui considère le nationalisme comme une pratique discursive « banale » (Billig, 1995) et une « forme de vie » (Wittgenstein, 2004, 2006). Je trace d'abord un portrait des principaux travaux interprétatifs sur l'« identité québécoise ». Sur la base d'une problématisation des principaux questionnements qui ont animé ce champ, je propose d'aborder les discussions au sujet de « la société québécoise » et des normes qui devraient la régir comme des moments de luttes pour le sens de la collectivité. Je pose ensuite les balises d'une recherche s'intéressant, dans une perspective généalogique, à la (re)composition récente des discours dominants et marginaux sur l'appartenance. Le deuxième chapitre présente les grandes lignes de cette approche, qui puise à trois sources : la démarche généalogique telle qu'elle peut être dégagée des travaux de Michel Foucault, l'analyse de discours (et plus précisément son « école française ») et l'étude du langage ordinaire inspirée par Ludwig Wittgenstein. Les trois chapitres suivants proposent des études abordant chacune des consultations à l'étude. Dans le chapitre 3, je présente une analyse des interventions sur le pluralisme au Québec soumises lors des États généraux sur l'éducation (1995-1996). Je montre comment le rapport de la Commission et les principales interventions formulées lors des consultations s'appuient sur l'image d'une société francophone, dite démocratique et plurielle, dont la cohésion s'actualise par l'intégration. L'analyse permet aussi de dégager différentes positions critiques de cette approche sur la base de l'autonomie politique des collectivités locales, mais également un courant mineur qui s'inspire des notions de réciprocité et d'empathie pour fonder l'expérience citoyenne. Prolongeant cette première étude, le chapitre 4 retrace et analyse les discussions entourant les États généraux sur la situation et l'avenir du français au Québec (2000-2001). Ces discussions s'articulent autour du pluralisme entendu comme convergence de différentes catégories de « minorités » linguistiques vers les pratiques et institutions attribuées à la majorité. Le chapitre 5 propose enfin une lecture des interventions faites lors de la Commission Bouchard-Taylor (2007-2008). Les consultations apparaissent à l'analyse comme l'occasion de réaffirmer l'ascendant d'une certaine figure de la collectivité, nominalement centrée sur la majorité d'héritage canadien-français, dans la détermination des règles de la cohabitation sur le territoire québécois. La conclusion présente un bilan de l'itinéraire réalisé et des différents éclairages qu'il a permis d'apporter quant aux luttes contemporaines au sujet de l'appartenance au Québec, notamment en passant en revue les différentes facettes du régime de citoyenneté qui sont mises en jeu dans les échanges.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Pluralisme, citoyenneté, nationalisme, Québec, analyse de discours.