Gandolfo, Marc-Olivier
(2014).
« De la réflexivité géométrico-ontologique dans l'Éthique de Spinoza : le Soi infini de l'existence humaine » Mémoire.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Maîtrise en philosophie.
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Résumé
Tout homme désire se vivre à travers une joie puissamment souveraine. La poursuite d'un bien véritable et parfait constitue son horizon ultime. Nul ne déroge à cette loi naturelle gisant en l'essence humaine. La Liberté est la Fin de la Cité. L'œuvre de Spinoza trace le chemin éthique vers cette Joie suprême. Il conçoit une philosophie de la Félicité en identifiant le Réel immanent à la Perfection divine. La Nature, l'Être, le Réel, Dieu et la Perfection revêtent la même signification. Le bonheur suppose de détenir une connaissance parfaite du monde et de son essence à partir de laquelle l'esprit peut agir et accomplir le dessein éthique de son existence. Que l'homme puisse causer la Raison d'être de son être. Pour y parvenir, Spinoza utilise la méthode réflexive, également appelée connaissance réflexive à même de saisir l'essence véritable des choses et de soi. Présentée dans son Traité de la Réforme de l'Entendement et systématisée dans sa pièce maîtresse, l'Éthique, la connaissance réflexive mérite d'être étudiée à nouveaux frais en appréciant sa nature et ses implications ontologique, gnoséologique, anthropologique et éthique. La réflexivité de la connaissance tend à saisir la Perfection du monde et sa signification existentielle en l'homme. La connaissance du Réel s'éprouve à travers les Affects de joie et de tristesse. Se connaître et agir en connaissance de cause, c'est éprouver la Perfection se causant en soi et par soi. Ce mémoire est un essai qui vise à rendre compte de l'ontologie de l'Éthique à travers une nouvelle vision, la nôtre, fondée sur la réflexivité et le Soi. Notions qui, jusqu'à présent, n'ont pas été conceptualisées dans la littérature secondaire, du moins nous limitons-nous à la littérature francophone. Les lecteurs de Spinoza confinent la réflexivité à son simple instrument de connaissance dans son Traité inachevé. Mais la restriction de la connaissance réflexive à sa stricte méthode ne permet pas de comprendre ni l'unité ni le dynamisme de la Perfection comme enjeu éthique chez Spinoza. Robert Misrahi se distingue néanmoins en intégrant la réflexivité du Traité inachevé au sein de l’Éthique. L'omniprésence de la réflexivité chez Misrahi s'inscrit singulièrement en la conscience humaine. La réflexivité est certes une partie substantielle de l'esprit, mais notre perspective vise à l'émanciper et l'intensifier à l'ensemble du Réel. À cet effet, la réflexivité est intégrée à la notion du Soi que nous qualifions de synthèse entre l'universel et le singulier. La réflexivité traduit l'outil mathématique en mesure de révéler le Soi dans l'esprit humain réflexif à ses Ethos. La réflexivité comme concept mathématique réside précisément en l’ordre géométrique de l’Éthique. La double fonction de la réflexivité que nous désirons exposer relève d'abord d'une axiomatisation du soi de la conscience humaine jusqu'à l'idée de Soi, identique à l'idée de Dieu ; réflexivité extensive où l'esprit se réfléchit avec l'idée la plus parfaite du monde pour agir d'après son essence en connaissance de cause. L'autre fonction sous-jacente consiste à subvertir l'imagination passionnelle, laquelle imagination forme la croyance en des choses fictives tenues pour vraies. Nous décrivons l'imagination passionnelle comme une irréflexivité en tant qu'elle ne se réfléchit pas en des essences existentielles. Elle n'est qu'une hypostase, un mirage. Le chapitre premier traite de la nature et des propriétés de la réflexivité en une perspective mathématico-philosophique. Nous y présentons les concepts mathématiques en rapport aux idées séminales de Spinoza où les essences intelligibles se réfléchissent en des réalités communes au sein de l'immanence. Après une brève description des différentes relations en un plan strictement mathématique, nous poserons l'enjeu éthique, en vertu de la réflexivité, visant à subvertir l'imagination passionnelle. Le chapitre second expose l'origine de la forme géométrique et la nature de la connaissance réflexive dans le Traité inachevé. Du latin reflectere, « ramener en arrière », la réflexivité traduit l'idée d'un retour vers la cause intelligible associée à la certitude expliquant les choses. Nous nous efforcerons de rendre compte de la réflexivité comme fondatrice de la connaissance véritable de l'Être, appréhender en définitive et intuitivement l'essence objective de l'essence formelle. Il s'agit en somme de remonter de l'effet causé à la cause causante pour y déployer l'idée de Dieu, l'idée de Perfection comme unité synthétique et réflexive de la cause-effet. Nous présenterons les lecteurs traitant de la réflexivité, notamment Alain, Deleuze et Misrahi pour y développer notre vision singulière en intégrant la réflexivité à la notion du Soi dans l'Éthique. Ce fondement liminaire nous permettra alors d'analyser la réflexivité de l'essence de Dieu à l'aune de la Perfection comme ordre rationnel de la cause de Soi. C'est en cette perspective que nous tenterons de comprendre la Substance sous l'angle omniprésent de l'éthique, vision notamment intensifiée à travers les Ethos. Nous serons à même d'en déduire les corollaires liés à la Perfection des choses, dissipant a fortiori l'irréflexivité de l'anthropomorphisme et du finalisme comme imaginations passionnelles.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Perfection ; réflexivité ; Soi