Ruiz, Hector
(2006).
« Qui s'installe? ; suivi de, Le quotidien interrompu » Mémoire.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Maîtrise en études littéraires.
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Résumé
L'écriture (poétique et essayistique) de ce projet de mémoire porte sur le processus de décentrement, d'anéantissement et de refondation de soi que l'immigrant traverse dans la confusion et le désarroi. Le recueil de poésie Qui s'installe? se divise en cinq parties. Ce recueil recourt à deux formes distinctes: le poème en prose et le poème en vers. Le poème en prose, par son rythme ouvert et par sa fluidité, incorpore à l'articulation rythmique de la phrase l'errance de l'immigrant. C'est en effet à partir de ce vagabondage identitaire que le poème en prose se construit comme une réponse au manque de réel qu'éprouve l'expatrié. Le poème en vers, à l'inverse, tend à s'excentrer de la référence au réel et à l'être; il représente dans la perspective de ce projet la marge silencieuse, l'indicible de la souffrance qu'il s'agit en l'occurrence de ramener à l'intérieur d'une dimension de parole. Le poème en vers, à l'exemple des tableaux de Mark Rothko, aspire à l'intensité de l'instant, intensité qui, portée jusqu' «au seuil de la désintégration», se transforme en luminosité. Le poème en vers se rapporte au « souffle des tableaux» de Rothko, c'est-à-dire à cette tension entre un sentiment d'expansion et un sentiment de contraction qui crée chez l'artiste la sensation que quelque chose va émerger, ce dont je traiterai dans l'essai réflexif Le quotidien interrompu. Dans cet essai, je pose essentiellement la question suivante: comment le travail de l'écriture transforme-t-il l'errance de l'immigrant en poème? Comment l'exigence du poème donne-t-elle forme à la violence physique et langagière de son désir, constamment en butte à la différence et à la déréliction? L'immigré vit chaque jour une guerre intérieure dont son corps et son psychisme sont le champ de bataille. Lorsqu'il marche dans son pays d'adoption, sa ville d'accueil, il n'amorce pas tout de suite une relation avec l'avenir, avec l'autre. Il vit avant tout la difficulté d'être encore parce que le deuil de ce qui a disparu est toujours différé et qu'il erre dans l'espace du paradoxe: ce n'est pas la mort même s'il croit mourir, et pourtant il y a de la mort, de la perte, de la disparition partout. Disparition à partir de laquelle tendent à resurgir à l'état sauvage l'écriture et la vie. L'errance de l'immigré devient alors peu à peu parcours, une traversée de l'espace urbain qui s'opère dans et par le langage.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : écriture, poésie, immigration, errance, déambulation, dessaisissement, mort.