Borde, Marie-Axelle
(2025).
« De Griffintown au Quartier de l'innovation : les transformations d'un ancien quartier industriel analysées au prisme de l'habiter de ses résidents » Thèse.
Montréal (Québec), Université du Québec à Montréal, Doctorat en études urbaines.
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Résumé
Le succès du paradigme de « ville intelligente » depuis le début des années 2000 s’est accompagné, entre autres stratégies d’attraction de capital financier et humain, de la thématisation d’anciens quartiers industriels péricentraux autour de la créativité et de l’innovation. Ces projets urbains d’envergure, qui se fondent le plus souvent sur une refonte totale des fonctions urbaines, du cadre bâti et de l’identité du quartier, soulèvent alors des questions quant à la place qu’y occupent les résidents. D’un côté, la littérature autour de la « néolibéralisation » de la ville met de l’avant certains enjeux liés à ces projets à plusieurs niveaux : matière de gouvernance urbaine, en raison d’une dépendance financière au secteur privé qui déséquilibre les négociations; sur le plan de la pratique spatiale, les aménités urbaines étant pensées pour une « élite urbaine » aux dépens des populations les plus précaires; et sur le plan de l’appropriation du quartier, puisque ces efforts de thématisation tendraient à effacer l’histoire et la culture endogène à ces quartiers au profit de discours et de symboles néolibéraux. De l’autre, certains écrits émettent l’hypothèse d’un renouvellement des modalités de développement urbain lié à certaines caractéristiques propres aux quartiers de l’innovation. Certains cas d’études laissent ainsi entrevoir la possibilité de pratiques collaboratives au sein d’un « laboratoire urbain » mettant en relation les acteurs publics, privés, universitaires et citoyens. Cette approche favoriserait l’ancrage d’une population mixte par le biais de la co-production des modalités de développement urbain, passant par une accessibilité accrue aux espaces publics et communautaires et offrant les possibilités d’une plus grande appropriation du projet de quartier de l’innovation et de ses aménités. Cette thèse propose alors d’interroger ces deux hypothèses au prisme de l’habiter des résidents des quartiers de l’innovation, c’est-à-dire par l’analyse de leurs pratiques, perceptions et représentations du quartier. Pour cela, ce projet de recherche s’appuie sur une étude de cas de Griffintown à Montréal, ancien secteur industriel ciblé depuis les années 2010 par le projet du Quartier de l’innovation. Les résultats présentés découlent de la triangulation de données issues de trois méthodes de collecte : une revue documentaire autour des divers plans de développement économique et urbain du quartier, des entretiens semi-dirigés avec les parties prenantes publiques, privées et universitaires, d’une part, et les résidents de l’autre, et, enfin, l’observation non participante de divers événements organisés sur l’espace public de Griffintown. Plusieurs constats émergent de cette enquête de terrain. Le premier est que le projet du Quartier de l’innovation participe d’une volonté du milieu universitaire et de la municipalité d’atténuer l’emprise du secteur immobilier sur les terrains et la programmation du quartier, et ainsi de renouveler les manières de faire la ville. Malgré cette volonté affichée et les résolutions qui l’accompagnent en matière d’aménagement du territoire et de gouvernance urbaine, les outils et structures mobilisées ont été trop faibles pour contrebalancer la mainmise des promoteurs immobiliers. Cette dernière s’est répercutée sur l’habiter des résidents, qui révèlent des effets semblables à ceux mis de l’avant dans les écrits sur la « néolibéralisation » de la ville : une privatisation des espaces et services publics, un repli sur le logement et un entre-soi accru, et des difficultés à négocier avec les acteurs du développement urbain au sein des structures classiques de consultation publique. La recherche met toutefois de l’avant un certain nombre de tactiques développées par les résidents pour contourner ces obstacles et se réapproprier le quartier, passant par un usage alternatif des espaces (le logement), des acteurs (l’université) et des outils (les réseaux sociaux) de la part de certains groupes de résidents.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Quartier de l’innovation, projet urbain, habiter, résidents, Griffintown, Montréal