Bélanger Dumontier, Gabrielle
(2017).
« La vie après l'exil : une étude phénoménologique et interprétative de l'expérience vécue de réfugiés au Québec » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en psychologie.
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Résumé
De nombreux réfugiés affluent au Québec chaque année. Au-delà de l'aspect spectaculaire du passé qu'ils ont fui, que deviennent-ils après leur arrivée? Alors que les réfugiés sont souvent présumés être traumatisés dans l'imaginaire populaire, qu'en disent les réfugiés eux-mêmes? Quelles nuances peuvent-ils apporter à nos préconceptions sur le fait d'être réfugié en contexte québécois? Face à ces questionnements, cette recherche poursuit l'objectif de mieux comprendre l'expérience subjective de réfugiés au Québec. La démarche se fonde sur une approche humaniste, phénoménologique et interprétative. Nous nous intéressons à la construction de sens dévoilée dans le discours des participants. Or, la sensibilité d'une telle recherche menée auprès d'une population considérée vulnérable suscite de nombreux questionnements éthiques. Par conséquent, cette recherche s'intéresse également à la perspective des réfugiés sur l'expérience de participer à notre étude. Pour ce deuxième objectif, notre analyse interprétative et intersubjective s'articule autour de la question de l'éthique relationnelle en recherche auprès des réfugiés. L'ensemble de notre démarche de recherche adopte une méthodologie qualitative et se base sur le paradigme constructiviste. L'analyse générale emprunte à l'approche systémique, et tient donc compte du contexte social et de la trajectoire migratoire des réfugiés. Pour recueillir les données, nous avons rencontré 14 participants qui ont été questionnés sur leur expérience d'être réfugiés, lors d'entretiens semi-structurés. Les démarches associées à chacun des objectifs de cette thèse sont présentées en deux temps, par le biais de deux articles. Le premier article s'intitule Être réfugié au Québec : une phénoménologie de l'exil, et présente les résultats qui se rattachent au premier objectif. Pour cette question de recherche, les discours ont été analysés à l'aide de la méthode phénoménologique et interprétative de Smith et Osborn (2003). Ce premier article expose les dispositions essentielles de l'expérience vécue des participants en tant que réfugiés québécois. L'analyse fait ressortir trois thèmes centraux pour décrire l'expérience vécue, se rapportant respectivement au rapport au temps, à soi et au monde. Ces thèmes centraux se déclinent comme suit : 1) un rapport au temps ressenti comme un horizon temporel sans refuge, 2) un lien à soi entre rupture et continuité et, 3) un rapport au monde entre exclusion et dignité. D'abord, la temporalité serait marquée par l'attente et l'incertitude face au futur. Ces expériences contribueraient à une impression d'existence suspendue. De plus, les instances du temps s'entremêleraient : le sentiment d'impasse au présent exacerberait les angoisses du futur et raviverait la nostalgie et les douleurs passées. Ainsi, une lutte quotidienne serait livrée à l'abattement pour demeurer fort, actif et affronter les exigences du réel. Pour certains, la temporalité se caractériserait par une scission dans la ligne du temps entre le soi « prémigratoire » et « post-migratoire ». Les expériences de pertes liées au déracinement affecteraient donc le sentiment de soi, entraînant un recommencement imposé. Face au sentiment de régression, le fantasme de l'ailleurs se présenterait à l'esprit, symbole d'une vie pleine et épanouie. Ensuite, les séparations forcées, la perte du réseau social du pays d'origine et l'éclatement des repères participeraient au sentiment de fossé relationnel. Enfin, le rapport au monde serait marqué par la honte et l'humiliation. Le discours de nos participants semble également fortement imprégné du sentiment de valeur, d'opportunités et de droits moindres. Les réfugiés témoigneraient ainsi de leur quête d'une vie digne et entière. Le second article, intitulé Entre donner, recevoir et rendre : les dynamiques relationnelles et éthiques en recherche auprès des réfugiés, présente les résultats liés au second objectif de recherche. La démarche implique d'abord une analyse phénoménologique et interprétative du discours des participants sur leur expérience de recherche. L'analyse incorpore ensuite une lecture intersubjective des dynamiques relationnelles et éthiques à l'œuvre tout au long de la recherche. D'une part, les résultats suggèrent que l'espace de recherche peut constituer un espace d'échange entre le participant et le chercheur. Cette conception de l'espace de recherche nous questionne également sur la réciprocité et l'engagement du chercheur dans le rapport éthique aux participants. Nos résultats sont mis en lien avec les diverses dynamiques de pouvoir vécues par les réfugiés, tant dans leur pays d'origine qu'au sein de la société d'accueil. D'autre part, l'espace de recherche semble investi par les participants sur un continuum allant de la confiance à la méfiance. La méfiance parfois observée nous questionne sur les postures éthiques à adopter en recherche auprès de cette population. Ainsi, la réflexivité et la création d'espaces pour cultiver et accueillir la sensibilité éthique du chercheur semblent nécessaires pour faire face aux questions de l'éthique relationnelle. La méfiance nous informerait également sur la temporalité psychique du réfugié, c'est-à-dire le moment opportun pour la participation à la recherche. L'adaptation du chercheur aux paradoxes et contractions dans le dévoilement des participants semble fondamentale pour éviter de leur faire violence par la recherche. En guise de conclusion, cette thèse souligne l'apport de la démarche phénoménologique en psychologie, dans l'optique de mieux comprendre les vécus subjectifs des réfugiés. Nous arguons qu'une approche qualitative, qui demeure près du discours des personnes concernées, permet de nourrir la sensibilité et l'empathie face au vécu des réfugiés. Nous soulevons la pertinence d'une posture humaniste, qui se distancie de la position d'expert, afin de complémenter l'état des connaissances actuelles sur l'expérience de l'exil. La tension productive entre les différents regards posés sur les phénomènes est ainsi mise à profit. Dans cette étude, les descriptions riches, les extraits de verbatim et l'interprétation du sens dévoilé permettent au lecteur une incursion dans le monde des réfugiés rencontrés. La démarche entreprise apporte donc une contribution unique à la compréhension de la réalité des réfugiés québécois. Les réflexions finales mettent en garde contre la pathologisation de la souffrance. La nature essentiellement sociale de la souffrance des réfugiés est ainsi mise en relief. Les résultats nous aiguillent aussi vers des pistes porteuses pour la clinique. Notamment, les conclusions remettent en question le bien-fondé d'une approche thérapeutique centrée sur le dévoilement et sur l'exposition prioritaire aux traumas pour les populations réfugiées. La notion de temporalité psychique pour aborder la souffrance est explorée. Enfin, cette démarche offre une réflexion sur le rapport à l'altérité et sur la responsabilité fondamentale du chercheur et de la société en matière d'hospitalité.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Réfugiés, demandeurs d'asile, expérience psychologique, éthique en recherche.
Type: |
Thèse ou essai doctoral accepté
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Informations complémentaires: |
La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur. |
Directeur de thèse: |
Vachon, Mélanie |
Mots-clés ou Sujets: |
Réfugiés / Récits personnels / Souffrance / Recherche qualitative -- Aspect moral / Québec (Province) |
Unité d'appartenance: |
Faculté des sciences humaines > Département de psychologie |
Déposé par: |
Service des bibliothèques
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Date de dépôt: |
09 mars 2018 14:19 |
Dernière modification: |
09 mars 2018 14:19 |
Adresse URL : |
http://archipel.uqam.ca/id/eprint/11024 |