Laperrière, Ève
(2014).
« Étude du travail de serveuses de restaurant » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en biologie.
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Résumé
Le travail de serveurs(euses) de restaurant est peu abordé dans la littérature scientifique en santé au travail, en partie à cause de la difficulté à rejoindre ce groupe de travailleurs dans un secteur d'activités avec un fort roulement de personnel. L'objectif général de la recherche est donc de documenter les exigences et comprendre le travail de service aux tables et particulièrement les aspects ayant une incidence sur la santé, dans un contexte d'une demande initiale de valorisation de ce travail par la Fédération du Commerce de la CSN. Les objectifs spécifiques consistent 1- à décrire de façon qualitative les exigences physiques, cognitives et émotives ainsi que les déterminants de l'activité de travail de service aux tables; 2- à mettre en lien les dimensions physiques du travail avec les symptômes musculosquelettiques répertoriés; et enfin 3- à vérifier la présence d'un potentiel déséquilibre entre les efforts déployées et la reconnaissance reçue. Les stratégies utilisées pour maintenir l'équilibre entre la santé et la productivité, dans ce contexte de relation constante avec les clients et de rémunération partielle par le pourboire, sont aussi décrites. La méthodologie utilisée est mixte, comportant un volet analyse de l'activité et un volet enquête. Elle consiste d'abord en des observations d'une cinquantaine d'heures et entretiens préliminaires dans trois restaurants, qui ont permis d'élaborer un canevas d'observations principales. Neuf personnes affectées au service aux tables dans deux autres restaurants ont ensuite été observées pendant 33,75 heures suivies par des entretiens individuels. Aussi, deux entrevues collectives de validation avec respectivement douze et cinq personnes qui n'avaient pas participé aux observations ont eu lieu afin de valider les résultats des observations préliminaires d'abord et ensuite pour valider les données obtenues grâce aux observations principales. L'analyse des données d'observations et d'entretiens a permis d'élaborer un questionnaire adapté aux situations de travail de service aux tables. Le questionnaire a été administré par entretien téléphonique (12 personnes) ou auto-administré à l'aide d'une version électronique sur le web (52 personnes). Le recrutement a été compliqué par l'instabilité associée à l'emploi et l'échantillon final compte en tout 51 serveuses et 13 serveurs. Les symptômes musculosquelettiques ont été répertoriés. Pour mesurer l'état de santé mentale, les indices de détresse psychologique, d'épuisement professionnel et d'épuisement par rapport au client ont été utilisés. Finalement, les modèles de tension au travail de Karasek et de déséquilibre efforts reconnaissance de Siegrist ont été utilisés pour mesurer les contraintes psychosociales dans le travail. Nous avons pu observer grâce à l'analyse de l'activité que les serveurs(euses) ont développé de nombreuses stratégies pour faire face aux multiples exigences physiques, cognitives et émotives, mais que leur marge de manœuvre est mince rendant l'équilibre entre la productivité et la santé difficile à atteindre. La relation de service avec le client est centrale dans l'activité de service aux tables et transforme le travail physique, cognitif et émotionnel. Cette relation fait aussi en sorte que la qualité du service prime sur la préservation de la santé. En effet, l'enquête a montré la présence de symptômes musculosquelettiques fréquents et de détresse psychologique ainsi que d'épuisement professionnel et par rapport au client. De plus, il a été confirmé que des stratégies pour transporter les plats et diminuer le nombre de pas sont mises en œuvre, par la plupart des serveurs(euses) surtout dans le but d'augmenter la rapidité du service. L'analyse des réponses au questionnaire montre des différences significatives ou des tendances vers des différences entre les serveurs et les serveuses dans les tâches, les stratégies de travail rapportées, telles que la tâche de service (p<0,01), la tâche de ménage (p<0,07), le choix de certaines stratégies (p<0.03) et le nombre d'heures travaillées par semaine (p<0,01). On retrouve une différence significative entre les serveurs et les serveuses pour la présence de tension au travail (p<0,05). Aussi, en moyenne, les serveuses ont ressenti une douleur reliée à leur emploi à davantage de sites corporels au cours des 12 derniers mois (p<0,003) et les ressentent assez souvent ou tout le temps dans une plus grande proportion que les serveurs, pour les chevilles/pieds, avec une tendance à plus de douleurs au dos. Bien qu'il soit clair que les douleurs surviennent différemment chez les serveurs et les serveuses, il est difficile d'attribuer cette différence uniquement au sexe biologique étant donné que les conditions et l'activité de travail semblent différentes selon le genre. Aussi, il existe un réel déséquilibre entre les efforts déployés et la reconnaissance reçue par les serveurs(euses) de restaurant, déséquilibre qui a été observé qualitativement d'abord, puis quantifié ensuite. Ce déséquilibre entre les efforts et la reconnaissance pourrait aboutir à des problèmes de santé de façon directe, mais aussi en menant à la négligence, par les travailleurs et les employeurs, de paramètres qui pourraient améliorer le travail. D'ailleurs, un déséquilibre efforts-reconnaissance mesuré est associé à un plus grand score sur l'échelle d'épuisement professionnel (p<0,001) dans notre échantillon. L'enjeu du pourboire contribue à déséquilibrer les rapports de pouvoir entre la serveuse et son client. Par contre, il semble que d'autres formes de reconnaissance soient plus importantes à leurs yeux. En effet, le mépris auquel les serveuses font face ou le non-respect de leur travail et de leur personne semblent être des déterminants importants de leur activité. Bien que l'échantillon ici présenté soit petit, il témoigne d'enjeux considérables tels que l'importance de la relation avec le client et de différences de genre dans l'activité de travail, mais aussi pour les conséquences sur la santé physique et mentale dont on devra tenir compte dans les prochaines études concernant les travailleurs de la restauration. D'ailleurs, une compréhension globale du travail de service aux tables a été possible en mariant deux approches méthodologiques complémentaires. C'est en comprenant le travail de serveurs(euses) dans sa globalité, incluant la relation de service, qu'il est possible de le transformer.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : serveuses, restaurant, activité de travail de service, ergonomie, reconnaissance
Type: |
Thèse ou essai doctoral accepté
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Informations complémentaires: |
La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur. |
Directeur de thèse: |
Messing, Karen |
Mots-clés ou Sujets: |
Serveuses. Santé et hygiène. Québec (Province), Serveuses. Conditions de travail. Québec (Province), Service de la table. Québec (Province), Restaurants. Personnel. Maladies. Québec (Province), Reconnaissance au travail |
Unité d'appartenance: |
Faculté des sciences > Département des sciences biologiques |
Déposé par: |
Service des bibliothèques
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Date de dépôt: |
08 juill. 2015 19:04 |
Dernière modification: |
08 juill. 2015 19:04 |
Adresse URL : |
http://archipel.uqam.ca/id/eprint/7092 |