Valette, Manon
(2024).
« Géologie, hydrothermalisme et évolution tectono-métamorphique du gisement AMARUQ : implications pour les minéralisations aurifères de la partie occidentale de la province de Churchill, Nunavut » Thèse.
Montréal (Québec), Université du Québec à Montréal, Doctorat en sciences de la Terre et de l'atmosphère.
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Résumé
Les gisements d’or orogéniques associés à la présence de formation de fer rubanées archéennes sont des cibles d’exploration de premier choix et contribuent de façon importante à la production canadienne d’or. Au Nunavut, l’exploration a conduit à la découverte en terrain vierge d’un nouveau gisement, c.-à-d. Amaruq, et à l’émergence d’une province métallogénique aurifère (>20 Moz) au sein du Bouclier Canadien. Au sein de la province de Churchill, la plupart des gisements d’or orogéniques sont encaissés dans les ceintures de roches vertes archéennes (c. 2.7 Ga) et contrôlés structuralement par des failles d’échelle crustale, des zones de cisaillement et des plis lié à l’orogénie Trans-Hudsonienne du Paléoprotérozoïque (c. 1.9–1.8 Ga). Cependant, cette étude indique que les roches du secteur Amaruq préservent une fenêtre tectonométamorphique et métallogénique archéenne qui a été superimposée par l’évènement tectonométamorphique du Trans-Hudson. Cela signifie qu’un évènement minéralisateur Archéen a été préservé au sein de la partie occidentale de la Province de Churchill où l’enrichissement aurifère est généralement daté à c. 1.9–1.8 Ga. Le gisement d’or de classe mondial Amaruq (5,7 Moz) est encaissé dans les roches supracrustales de l’assemblage Rumble du groupe de Woodburn Lake (c. 2735–<2680 Ma), l’une des ceintures de roches néoarchéennes du craton de Rae de la partie occidentale de la Province de Churchill. Dans le secteur du gisement, l’assemblage Rumble est caractérisé par des variations lithologiques importantes. L’étude pétrographique et géochimique des roches indique qu’il s’agit de komatiite de type « Munro », de basalte d’affinité tholéiitique, de basalte calco-alcalin riche en silice et magnésium ainsi que de roches sédimentaires clastiques, volcanoclastiques et chimiques riches en fer, silice et/ou en matière carbonée. Grâce aux datations isotopiques réalisées dans cette étude, l’âge maximal de déposition des roches sédimentaires clastiques a été contraint à c. <2708–<2702 Ma. Les roches supracrustales du secteur Amaruq sont recoupées par les intrusions et dykes mafiques à felsiques de composition gabbroïque à granitique de la suite Snow Island datés à c. 2611–2605 Ma. L’étude de l’assemblage Rumble indique qu’il est caractérisé par une association komatiite et formations de fer rubanées, typique des ceintures de roches vertes archéennes. La stratigraphie, la géochimie et/ou l’âge de l’assemblage Rumble sont similaires à celles des autres assemblages du groupe de Woodburn Lake, et des ceintures de roches vertes archéennes présentes au sein du craton de Rae. Elles ont probablement été formées dans un environnement de déposition semblable au sein d’un rift lié à du volcanisme de fond marin. Les alternances de lithologies au sein de la stratigraphique du gisement Amaruq engendrent de forts contrastes rhéologiques et géochimiques qui sont responsables du développement de zones de cisaillement le long des contacts et du piégeage de la minéralisation. Deux principales zones sont actuellement en exploitation, Whale Tail et IVR, définies par une diversité de styles de minéralisation et de paragenèses hydrothermales ainsi que des pièges lithologiques et structuraux distincts. L’étude des deux zones révèle que la géométrie et la distribution des zones minéralisées sont principalement contrôlées par : 1) les lithologies riches en fer ou matière carbonée, 2) les contacts lithologiques ayant de fort contrastes rhéologiques et/ou chimiques, 3) les zones de faille et de cisaillement D2, et 4) les plans axiaux ou charnières de plis P2. Les différents styles de minéralisation sont, quant à eux, caractérisés par des veines métasomatiques calco-silicatées, des remplacements stratoïdes riches en pyrrhotite, ainsi que plusieurs générations de veines de quartz en fonction du piège structural et/ou lithologique traduisant un régime ductile à ductile-cassant de la déformation. L’or est libre ou associé à la présence d’arsénopyrite±löllingite, arsénopyrite±gersdorffite, et/ou de pyrrhotite. Les fortes teneurs en or sont généralement associées à des anomalies positives en Ag, As, Sb, Se, Cu, W, Ni et Co dépendamment du principal sulfure et/ou arséniure qui est associé à l’or. Les halos proximal et distal de l’altération hydrothermale sont caractérisés par une carbonatation, une altération potassique et des zones de sulfuration traduisant, respectivement, des enrichissements en CO2, K et S typiques des gisements d’or orogénique. Les zones de déformation qui encaissent la minéralisation sont donc principalement définies par des assemblages à calcite, biotite, pyrrhotite et/ou arsénopyrite±löllingite-gersdorffite. Localement, l’altération hydrothermale est aussi associée à des enrichissements en CaO, Na2O et MnO qui se traduisent par la présence de minéraux calco-silicatés (clinopyroxène et amphiboles calciques), une altération calco-sodique ou la présence de minéraux riches en manganèse (calcite, ilménite, magnétite). Ces enrichissements plus locaux témoignent de réactivités géochimiques très contrastées au sein des différentes lithologies en fonction du style de minéralisation qui leur est associé. Les roches supracrustales de l’assemblage Rumble ont été affectées par plusieurs phases orogéniques à l’Archéen et au Paléoprotérozoïque. Dans le secteur de la mine Amaruq, leur géométrie est le résultat d’une déformation polyphasée affectée par quatre phases dont deux ont significativement contribué a créé la géométrie des zones minéralisées. La schistosité de plan axial S2 s’orientation NE-SO, les plis P2 dont l’axe plonge faiblement (0-20°) vers le NE, et dans certains cas vers le SO, ainsi que les zones de cisaillement inverses D2, sont les principaux contrôles de la minéralisation. Cependant, la mise en place de la minéralisation est pré- à syn-D2 car elle est généralement fortement étirée, boudinée et plissée par les fabriques et les structures D2. Au sein des lithologies moins compétentes, les zones minéralisées sont aussi fortement affectées et transposées le long des fabriques D3, qui se matérialisent principalement par des plis en zigzag faiblement plongeant (0-20°) vers le NE et le SO, ayant des axes de plis subhorizontaux, et des zones de cisaillement inverses à faible pendage. L’orientation des corps minéralisés (« ore shoots ») est coaxiale aux axes de pli P2. Les zones minéralisées et roches hôtes du gisement préservent les évidences d’un pic métamorphique M2 au faciès amphibolite (clinopyroxène, löllingite, grossulaire, ilménite), d’un évènement rétrograde M2 au faciès schiste vert supérieur (amphibole calcique, biotite, titanite, arsénopyrite) et de la superposition locale d’un évènement métamorphique M3 de plus bas grade, au faciès des schistes verts inférieur (chlorite, stilpnomelane, muscovite séricitique). Le gisement Amaruq est donc caractérisé par une minéralisation pré-pic métamorphique M2 évoquant la possibilité d’une activité hydrothermale de longue durée ou la remobilisation partielle de la minéralisation lors d’un chemin M2 prograde et rétrograde. Cependant, les roches supracrustales du secteur Amaruq ont aussi été affectées par l’auréole thermique de plutons ce qui aurait pu contribuer à modifier localement les paragenèses observées. Les titanites prélevées au sein des paragenèses hydrothermales calco-silicatées ont été datées à c. 2630–2612 Ma. Ces âges sont concordants avec certains des âges préliminaires Re-Os obtenus sur arsénopyrite dans une autre étude, constituant ainsi les premières évidences d’un évènement minéralisateur Archéen dans la partie occidentale de la Province de Churchill. Ces résultats contraignent de façon indirecte, l’âge minimal de la minéralisation et de façon directe la cristallisation des titanites liée à l’évènement tectono-métamorphique associé à ces paragenèses, c’est-à-dire D2/M2. Les micas blancs granoblastique et séricitique prélevés au sein des veines de quartz, des halos d’altérations et des roches sédimentaires clastiques, qui ont été faiblement voire complètement recristallisés, sont caractérisés par des âges qui s’échelonnent entre 2199 et 1766 Ma. À l’échelle régionale, les âges entre c. 2199–1911 Ma principalement obtenus sur les micas blanc granoblastiques peu recristallisés sont interprétés comme mixtes et liés à une réinitialisation partielle du système isotopique. Les âges aux alentours de c. 1873–1766 Ma obtenus des micas blancs séricitiques, recristallisés à néoformés et affectés par D3 sont attribuables à l’orogenèse polyphasée du Trans-Hudson (c. 1,91–1,75 Ga) ce qui contraint aussi l’âge de D3/M3. Cela montre aussi qu’il existe un lien direct entre la préservation des âges en fonction de la taille du mica blanc, de l’intensité de la déformation et de la localisation du grain au sein du système hydrothermal. Cette étude contribue à améliorer notre compréhension sur le moment de mise en place de l’or par rapport au pic métamorphique, et sur l’âge et la nature des processus minéralisateurs au sein de la Province de Churchill ainsi que sur la diversité et la complexité des styles de minéralisation qui caractérisent les gisements d’or orogéniques associés à la présence de formation de fer rubanées. Ce projet doctoral met aussi en évidence l’importance des études multidisciplinaires afin de formuler des guides et vecteurs d’exploration robustes au sein de régions éloignées et sous explorées ainsi qu’au sein des cratons précambriens poly-déformés et métamorphisés.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Archéen, Province de Churchill, gisement d’or, épigénétique, formation de fer, faciès amphibolite, poly-déformé