Étude du jardinage domestique et de son potentiel alimentaire dans la région de Montréal

Penvern, Logan (2024). « Étude du jardinage domestique et de son potentiel alimentaire dans la région de Montréal » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en sciences de l'environnement.

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Résumé

Depuis les travaux de recherche précurseurs des années 1990, l'agriculture urbaine (AU) est associée aux grands chantiers pour la durabilité tant à l'échelle locale que globale. Dans les pays industrialisés, l'AU est aujourd'hui devenue la vitrine des villes durables, vertes ou encore résilientes. Toutefois, les soutiens accordés au développement de l'AU demeurent limités, comparés à certains projets d'innovations technologiques en agriculture. De plus, les activités de jardinage alimentaire domestique, souvent développées avant les activités d'AU commerciales et technologiques, comptent parmi les pratiques les moins soutenues. Étant donné l'importance de la pratique du jardinage alimentaire domestique à Montréal, définit comme la culture de légumes, de petits fruits et de fines herbes par les ménages dans l'enceinte de leur domicile ou dans des jardins communautaires ou collectifs, cette thèse a pour objectif d’évaluer le potentiel alimentaire du jardinage. Ce potentiel est ici abordé suivant les trois stratégies décrites par El Bilali et al. (2018) pour la durabilité des systèmes alimentaires : l’intensification durable de la production, l’alimentation durable des ménages et la transition vers des agroécosystèmes durables. Après avoir démontrer le potentiel de contribution du jardinage à ces trois stratégies, cinq territoires de la communauté métropolitaine de Montréal (CMM) sont comparés suivant les activités de jardinage qu’ils comprennent et les profils socioéconomiques des jardinier.ère.s. S’en suit, à partir de l’échantillon global et des projections à l’échelle des trois régions administratives (ville de Montréal, agglomération de Montréal ou Île de Montréal, CMM), une analyse de la contribution alimentaire du jardinage à l’échelle des ménages et une estimation de la production issue du jardinage à l’échelle des territoires. L’échantillon de 1375 individus ayant répondu à un sondage téléphonique diffusé aléatoirement en 2019 dans ces cinq territoires de la CMM aux profils sociodémographiques et aux densités de population variés révèle que 37% des répondant.e.s jardinent. Dans notre échantillon, les ménages mieux nantis jardinent plus fréquemment que les autres. Dans 96% des cas, le jardinage alimentaire domestique s’exerce sur le lieu de résidence, majoritairement dans les cours arrière, mais également sur des espaces plus restreints comme les balcons. Plusieurs profils de jardinier.ère.s se distinguent suivant les objectifs que ces dernier.ère.s associent au jardinage, mais les aspects relatifs à la qualité des aliments, au plaisir de jardiner et à l’environnement sont exprimés par la majorité des répondant.e.s. Alors que la plupart des motivations sont communes à la majorité des jardinier.ère.s, les types d’activités en termes de surfaces cultivées et de temps de jardinage varient davantage suivant les profils socioéconomiques. Les ménages plus vulnérables, qui recherchent davantage un apport alimentaire quantitatif, sont surtout limités par le manque d’espace, alors que les familles accédant à l’espace pour jardiner à leur domicile manquent souvent de temps. En ce qui concerne la contribution du jardinage domestique à l’alimentation des ménages, 29% des jardinier.ère.s produisent plus de quart de leurs approvisionnements estivaux en F&LF. En revanche, c’est 43% d’entre elles.eux qui produisent moins de 10% de leurs approvisionnements estivaux en F&LF. De façon plus générale, les jardinier.ère.s ont une consommation en F&LF plus importante que les autres répondant.e.s et 45% des jardinier.ère.s partagent une partie de leurs récoltes, notamment avec leur famille (28%) ou leurs voisin.e.s (25%). Hormis les quelques jardinier.ère.s pour qui les récoltes représentent une part importante des F&LF consommés par leur ménage l’été, le jardinage contribue le plus souvent de façon anecdotique à l’alimentation des ménages. En revanche, dans notre échantillon, le jardinage alimentaire domestique s’associe à une alimentation plus saine et le partage des récoltes permet également une contribution indirecte à l’alimentation de certains ménages qui ne jardinent pas nécessairement. De plus, environ la moitié des personnes qui jardinent le font depuis plus de 10 ans. Dans la région de Montréal, le jardinage alimentaire domestique est donc une pratique répandue et qui suscite l’engouement de nombreux montréalais.es. Contrairement à certaines idées reçues, la contribution alimentaire du jardinage peut atteindre des niveaux significatifs dès lors que quelques mètres carrés et quelques heures par semaine sont consacrées au jardinage, d’autant plus lorsque les ménages jardinent depuis plusieurs années. Influencée par la taille des ménages et la consommation globale en F&LF, la contribution alimentaire du jardinage est plus significative chez des ménages moins aisés de l’échantillon. Cette contribution alimentaire associée au jardinage est souvent un objectif secondaire après la recherche d’aliments de qualité et le plaisir à jardiner. En effet, les motivations économiques exprimées par les plus vulnérables ne suffisent pas pour atteindre des niveaux de contribution alimentaire élevés du fait des barrières rencontrées par ces ménages, notamment le manque d’accès aux espaces de jardinage. En revanche, un équilibre entre l’accès aux ressources de jardinage et la recherche aussi bien des aspects alimentaires qualitatifs que quantitatifs peut se traduire par une contribution alimentaire significative pour certains ménages aux revenus modestes. Pour les ménages les plus aisés, le manque de temps et la priorisation des enjeux d’éducation des enfants et de qualité de l’alimentation se traduit par des niveaux de contribution alimentaire moins élevés, d’autant plus que ces ménages sont souvent de taille plus importante. D’après une extrapolation des données des cinq territoires à l’échelle de la communauté métropolitaine de Montréal (CMM), la production du jardinage alimentaire domestique est de 38 064t de F&LF en 2019, ce qui représente 7% de la consommation annuelle en F&LF du territoire (scénario 1). Les activités sur les balcons produisent jusqu’à 6 146t de F&LF ce qui correspond à 16% de la production totale des activités de jardinage alimentaire domestique. En termes de surfaces, le jardinage alimentaire domestique occupe environ 389ha à l’échelle de la CMM, soit 0,1% de la surface totale du territoire. Pour aller plus loin dans l’évaluation du potentiel alimentaire du jardinage domestique, deux scénarios d’augmentation de l’accès aux espaces de jardinage ont été modélisés. L’accès à des espaces de 15m² pour les personnes qui jardinaient en 2019 sur de plus petites surfaces (scénario 2a) ferait passer les surfaces cultivées à l’échelle de la CMM de 389ha à 845ha pour une production totale de 60 750t de F&LF. L’accès à des espaces de 15m² pour les personnes qui ne jardinent pas et qui déclarent être intéressées à le faire (scénario 2b) conduirait à la culture de 1 434ha et une production de 75 862t de F&LF à l’échelle de la CMM. Respectivement, ces deux scénarios permettraient de produire 11% et 13% de la consommation annuelle en F&LF de la CMM pour une occupation de 0,2% et 0,4% du territoire. Relativement aux surfaces occupées, le potentiel alimentaire du jardinage domestique est donc significatif. Sous réserve de quelques améliorations, la méthode inédite proposée dans cette thèse pourrait être répliquée. L’intégration des variables de jardinage dans des sondages de grandes ampleurs comme l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) ou plus largement dans le recensement de Statistiques Canada, permettrait, par exemple, d’évaluer le potentiel alimentaire du jardinage à de plus grandes échelles. En poursuivant la recherche sur le jardinage alimentaire domestique, les conditions intrinsèques au jardinage qui contribuent à la durabilité des systèmes alimentaires pourraient être encore davantage documentées. Enfin, pour que le jardinage exprime son plein potentiel, notamment pour renforcer la souveraineté alimentaire et l’inclusion de toutes et tous pour des systèmes alimentaires plus durables, des actions collectives et notamment politiques doivent soutenir ces activités individuelles. Par conséquent, le jardinage alimentaire domestique est une passion mobilisant une part importante de la population de la région de Montréal qui pourrait être mieux reconnue et davantage intégrée aux programmes de développement locaux ainsi qu’aux politiques municipales et nationales, à sa juste valeur. _____________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : jardinage alimentaire domestique ; agriculture urbaine ; autoproduction alimentaire; saine alimentation ; Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: Fichier numérique reçu et enrichi en format PDF/A.
Directeur de thèse: Vandelac, Louise
Mots-clés ou Sujets: Jardinage alimentaire domestique / Potagers / Agriculture urbaine / Jardinage urbain / Approvisionnement alimentaire / Agglomération de Montréal (Québec)
Unité d'appartenance: Instituts > Institut des sciences de l'environnement (ISE)
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 14 mai 2024 08:20
Dernière modification: 14 mai 2024 08:20
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/17703

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