Daver, Lucille
(2023).
« Les diamants et leurs inclusions fluides et solides : fenêtre sur le cycle des éléments dans le manteau terrestre » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en sciences de la Terre et de l'atmosphère.
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Résumé
Depuis quelques décennies, l’étude de l’origine des diamants, et par conséquent l’amélioration de nos connaissances sur leur environnement de formation – la lithosphère (150 à 250 km de profondeur) voir plus rarement le manteau inférieur jusqu’à 800 km – s’appuie sur l’analyse de leurs inclusions fluides et solides. Les diamants représentent l’un des rares échantillons du manteau terrestre, accessible à la surface de la Terre. Leur étude permet donc d’en apprendre plus sur la composition et la structure du manteau terrestre et son évolution depuis l’Archéen qui est le premier object de cette thèse. Le deuxième objectif est celui d’étudier le cycle géologique des éléments comme le carbone, l’azote, le bore, ou l’eau, éléments impliqués dans la formation de certains diamants. Pour se faire, les résultats de mes recherhces se basent sur la minéralogie des inclusions solides et la composition des fluides piégés dans les diamants issus de deux cratons différents – celui du Kaapvaal-Zimbabwe d’Afrique du Sud et le craton des Esclaves dans le nord-ouest du Canada – et à partir d’une revue des données de littérature de gaz rare mesurés dans les diamants polycristallins et fibreux collectée dans la publication de Basu et al. (2013) et mise à jour lors de cette thèse, jusqu’au derniers travaux remontant à 2019. Dans un premier temps, j’ai analysé la minéralogie et la géochimie d’inclusions solides et fluides contenues dans des diamants monocristallins de Type IIb provenant de la mine Cullinan, en Afrique du Sud. Ces diamants sont très rares et de couleur bleue. Leur couleur est due à la présence d’impuretés de bore et sont caractérisés par la quasiabsence d’azote. Le bore est un élément communement présent dans la croûte terrestre (car élément incompatible) mais rare dans le manteau. Ainsi, l’étude de ces diamants peut apporter des contraintes sur le recyclage éventuel de cet élément dans le manteau terrestre et de l’environnement où il se retrouve. Le modèle de formation des diamants bleus est débattu et, pour l’instant, est restreint à des profondeurs de formation sublithosphériques (zone de transition, voire manteau inférieur), en relation avec un contexte de subduction pour l’apport du bore (Smith et al., 2018). Les diamants étudiés contenaient un assemblage de breyite, larnite, graphite, oxydes Fe-Ni et d’alliage Fe-Ni ainsi qu’un groupement d’inclusions multiphasées composées de graphite, d’eau (H2O, OH) et de méthane. La présence de deux inclusions isolées de breyites a permis le calcul d’une pression de piégeage entre 4.9 et 5.6 GPa (900–1400 °C), et suggère une profondeur de formation des diamants entre 160 et 180 km dans la lithosphère. Nos travaux suggèrent donc un modèle de formation lithosphérique. En ce qui concerne le cycle du bore dans le manteau terrestre, cette étude suggère que sa présence n’est pas nécessairement liée à un contexte de subduction profonde mais a une origine dans le manteau terrestre même. La présence des phases métalliques dans l’environnement de croissance de ces diamants permettrait de piéger l’azote et l’empêcher de s’incorporer dans leur structure, expliquant la pauvreté en azote qui caractérise ces diamants. En second lieu, j’ai étudié les diamants fibreux et polycristallins issus de la mine Diavik au Canada (craton des Esclaves). Ces diamants sont caractérisés par leur richesse en micro-inclusions fluides piégées entre ses cristaux qui représentent des reliquats du fluide parent les formant. Ces diamants peuvent être formés par différentes générations de fluides, cristallisant différentes générations de diamants entrecoupées de long temps de résidence dans le manteau. Ce travail a mis en évidence au moins trois différentes générations de fluides parents avec une transition d’un milieu silicaté à un milieu plus carbonaté, d’un milieu réducteur à oxydé. Cette transition est enregistrée par le type d’inclusions et par les éléments piégés dans le fluide et s’achevèverait par un événement enrichi en phases métalliques. Cette étude souligne l’influence de fluides issus de la subduction apportant une composante carbonatée plus tardivement dans le système. Enfin, le dernier aspect thématique est fait à travers une revue des données de gaz rares mesurés dans des diamants de plusieurs morphologies et sources à travers le monde depuis 1988. L’inertie chimique des gaz rares en fait de très bon traceur de source car ils gardent la composition isotopique de la source, permettant ainsi de mesurer des influences du manteau (supérieur ou inférieur), de la croûte ou encore d’eau marine transporté en profondeur par la subduction. Les résultats de l’étude ont montré que tous les gaz rares semblent avoir enregistré une composante atmosphérique qui ne semble pas liée à de la contamination tardive lors des éruptions kimberlitiques, voir post-dépôt comme suggéré par certains auteurs, mais une composante d’eau marine qui contribue à la signature de ces gaz rares dans les fluides ou melts parents des diamants, en profondeur. Les données obtenues durant cette thèse suggèrent que, malgré des lieux de formation différents, l’ensemble des diamants lithosphériques semblent indiquer de nombreuses similitudes dans leur processus de formation, notamment avec la signature de leurs fluides parents. En effet, les diamants étudiés partagent des signatures géochimiques communes de siliceuses à carbonatées mettant en évidence ce qui pourrait être une contamination progressive du manteau par de la croûte océanique chargée d’eau de mer en subduction. Cette contamination s’enregistrerait dans les inclusions des diamants comme une lointaine influence de subduction dont la signature évoluerait différemment en fonction du substrat présent lors de son voyage (péridotitique ou éclogitique). Ces fluides pourraient donc présenter une transition dans leur composition chimique notamment à travers les différentes générations de cristallisation des diamants entrecoupé de long temps de résidence dans le manteau. Ces données pourraient donc constituer une preuve supplémentaire du recyclage efficace de parties de croûte océanique riche en eau de mer après subduction (ou équivalent suivant la tectonique des plaques en place à ce moment) par les cellules de convection du manteau.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : diamant, inclusions solides, inclusions fluides, impuretés, bore, azote, gaz rares, lithosphère, craton