Parent, Anne Martine
(2006).
« Paroles spectrales, lectures hantées : médiation et transmission dans le témoignage concentrationnaire » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en études littéraires.
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Résumé
La présente thèse porte sur le témoignage concentrationnaire. Le corpus est formé de témoignages littéraires français écrits par des déporté(e)s politiques arrêté(e)s pour faits de résistance. Je cherche à montrer, dans une perspective pragmatique et psychanalytique, tout à la fois la nature de ce que le témoignage concentrationnaire cherche à transmettre, les modalités de mise en scène de cette expérience et la manière dont elle en vient ensuite à affecter la lectrice. Le témoignage concentrationnaire n'est pas considéré ici comme un document à valeur historique décrivant un certain nombre de faits liés aux camps de concentration nazis. Ce que le témoignage cherche à faire, tout différemment, c'est transmettre une certaine expérience des camps. Cette expérience est celle de la mort : une mort que le témoin a vue, vécue, traversée, et qui le hante. Cette mort est à penser sur le mode du trauma, un trauma qui habite le témoin et dont il ne peut maitriser les effets. De plus, le témoin se définit comme un spectre, un revenant, pris entre la vie et la mort, et incapable d'assumer sa survie. Le témoin apparait ainsi comme un sujet hanté, spectral et son témoignage est lui-même un texte hanté par la mort et par les morts, travaillé par un réel mortifère qui spectralise l'écriture. La lecture d'un témoignage sera donc une lecture hantée, à travers laquelle le trauma du témoin se transmet à la lectrice qui se retrouve, du coup, habitée par la hantise du témoin. La transmission de cette hantise implique de considérer le témoignage concentrationnaire comme un texte qui agit sur la lectrice. Cette action découle d'une part d'un but visé par le témoin – transmettre son expérience des camps – et d'autre part d'un effet du témoignage lui-même – la transmission de la hantise proprement dite, par-delà les stratégies d'écriture conscientes. C'est donc la performativité du texte lui-même que cette thèse cherche à décrire, ses moyens d'actions sur la lectrice et le résultat de cette action. Car l'effet du témoignage sur la lectrice consiste précisément en la transmission de la hantise du témoin. Dans la première partie, « Lectures hantées », je me suis employée à montrer le rôle et l'importance du récepteur d'un témoignage dans le processus testimonial. Un témoignage est une parole qui s'adresse à quelqu'un, interlocuteur réel ou virtuel. Comme le montrent les études psychanalytiques sur le trauma, le témoin d'une expérience traumatique a besoin d'un autre à qui raconter son histoire afin de se réapproprier celle-ci et de mettre en récit ce qui était de l'ordre du « choc » traumatique. Par la suite, j'examine les effets de la transmission de la hantise sur la lectrice, par le biais d'analyses de textes portant sur L'espèce humaine de Robert Antelme dans lesquels les auteur(e)s témoignent de leur lecture du livre d'Antelme et se constituent ainsi en tant que témoins secondaires. La deuxième partie, « Le témoin, entre la vie et la mort », s'intéresse au témoin lui-même. J'examine d'abord le rapport qu'entretient le témoin avec les morts, ceux que Primo Levi (1989) désigne comme les « vrais » témoins. On verra que c'est de ce rapport, entre autres, que découle la hantise du témoin. J'étudie ensuite la manière dont l'expérience concentrationnaire a transformé le témoin et en a fait un revenant, c'est-à-dire un sujet incapable d'assumer sa survie. La survie fait ainsi partie du trauma du témoin, puisque celui-ci n'arrive pas à la comprendre ni à l'assimiler. À son retour des camps, le témoin devient donc un spectre, pris entre une vie qu'il ne peut réintégrer et une mort qu'il a vécue sans en mourir. Enfin, la troisième partie, « Paroles spectrales », porte sur la transmission. À partir des constats de la précédente partie, je m'interroge sur la prise de parole du témoin : comment s'adresser aux autres, aux « vivants » qui n'ont pas connu l'expérience de la mort? Qu'est-ce que témoigner et comment témoigne-t-on lorsqu'on cherche à transmettre une expérience qui apparaît au témoin lui-même comme inimaginable? Comment faire de son témoignage un espace de médiation entre le témoin et son interlocuteur afin que s'effectue la transmission? L'analyse de l'œuvre testimoniale de Charlotte Delbo et de celle de Jorge Semprun permet de répondre à ces questions. Elle montre également deux postures radicalement opposées en ce qui a trait à la transmission, de l'impossibilité de celle-ci chez Delbo à sa possibilité chez Semprun. On constatera toutefois que, malgré les différentes positions des deux témoins-écrivains, on retrouve à la base une spectralisation de l'écriture qui fait de leur témoignage une œuvre hantée et « hantante » pour la lectrice.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : témoignage, hantise, spectralité, transmission, trauma, camps de concentration nazis.
Type: |
Thèse ou essai doctoral accepté
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Informations complémentaires: |
La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur. |
Directeur de thèse: |
Delvaux, Martine |
Mots-clés ou Sujets: |
Camp de concentration / Camp d'extermination / Survivant de l'Holocauste / Témoignage / Mort / Traumatisme psychique |
Unité d'appartenance: |
Faculté des arts > Département d'études littéraires |
Déposé par: |
Service des bibliothèques
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Date de dépôt: |
02 juin 2017 12:41 |
Dernière modification: |
02 juin 2017 12:41 |
Adresse URL : |
http://archipel.uqam.ca/id/eprint/9705 |