Étude de cohorte sur les fonctions neurocomportementales de travailleurs 14 ans après la fin de l'exposition au manganèse

Bouchard, Maryse (2007). « Étude de cohorte sur les fonctions neurocomportementales de travailleurs 14 ans après la fin de l'exposition au manganèse » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en sciences de l'environnement.

Fichier(s) associé(s) à ce document :
[img]
Prévisualisation
PDF
Télécharger (10MB)

Résumé

L'inhalation de particules de manganèse (Mn) peut causer des effets neurotoxiques qui se manifestent par des altérations des fonctions neurocomportementales, nommément des symptômes psychologiques et des déficits cognitifs et moteurs. Une première étude fut menée en 1990 sur les fonctions neurocomportementales de travailleurs exposés au Mn dans une usine de production d'alliages ferro-Mn et silico-Mn; des hommes cols bleus non-exposés au Mn servirent de groupe de comparaison (référents). Pour chaque travailleur, l'exposition aux poussières et aux fumées de Mn dans l'air au moment de l'étude a été estimée et un indice d'exposition cumulée sur toute la durée d'emploi dans l'usine a été calculé. L'usine a arrêté ses opérations quelques mois après la fin de cette étude, mais cette fermeture n'était pas liée aux résultats de l'étude. Dans la première partie de la thèse, l'objectif était d'examiner l'effet modificateur de l'âge dans les altérations neurocomportementales. L'analyse des données appariées (74 paires) a montré que les différences de scores aux tests neurocomportementaux entre les travailleurs exposés au Mn et les référents (ces différences représentant l'effet du Mn) augmentaient significativement avec l'âge pour la mémoire, la concentration, la flexibilité cognitive, la stabilité des mains et la sensibilité tactile. L'âge n'était pas associé à la concentration de Mn dans l'air au moment de l'étude, ni à l'exposition cumulée, indiquant que les déficits plus prononcés les travailleurs plus âgés ne peuvent pas être expliqués par une exposition supérieure chez ces derniers. Ces résultats indiquent que, à exposition égale, les travailleurs plus âgés sont davantage affectés que les plus jeunes par les effets du Mn sur certaines fonctions nerveuses. Pour la seconde partie de la thèse, nous avons mené une étude de suivi auprès de 78 anciens employés de l'usine et 81 référents afin de vérifier le degré de réversibilité ou d'aggravation des atteintes neurofonctionnelles 14 ans après la fin de l'exposition. Les travailleurs ayant été exposés au Mn ainsi que les référents ayant accepté de participer à l'étude de suivi ont complété une batterie de tests similaire à celle utilisée en 1990. Nous avons émis l'hypothèse que ces atteintes s'aggraveraient avec le temps, et qu'elles seraient donc plus marquées au moment du suivi (2004) que lors de l'étude initiale (1990). En effet, la progression des signes neurologiques a été rapportée lors d'études longitudinales portant sur des travailleurs gravement intoxiqués au Mn, ainsi que des travailleurs exposés à d'autres substances neurotoxiques, notamment les solvants organiques et le plomb. Globalement, les résultats indiquent que la performance pour plusieurs des tests que les travailleurs exposés avaient moins bien réussi en 1990 n'était pas différente entre les exposés et les référents en 2004. Néanmoins, les déficits de vitesse motrice (membres supérieurs) observés en 1990 étaient toujours présents en 2004. Par ailleurs, les travailleurs ayant été exposés au Mn et qui étaient âgés de plus de 45 ans lorsque l'exposition a cessée ont obtenu une performance significativement inférieure aux référents d'âge similaire à trois tests de flexibilité cognitive. Ensuite, pour certains tests moteurs et cognitifs, la performance était significativement et inversement associée à l'exposition cumulée au Mn. En somme, les résultats révèlent deux trajectoires possibles : i) un maintien des déficits, ou ii) une récupération des fonctions, particulièrement pour les moins exposés. L'hypothèse d'aggravation des déficits n'a donc pas été retenue, mais un autre suivi de la cohorte à un âge plus avancé (ici, l'âge moyen était 57 ans au moment du suivi) serait souhaitable pour connaître l'évolution des fonctions neurocomportementales en fonction de l'exposition au cours du vieillissement. Ensuite, un questionnaire portant sur les symptômes neuropsychiatriques a été ajouté à la batterie de tests administrée en 2004 afin d'examiner plus profondément ce domaine neurofonctionnel. En effet, certaines données dans la littérature indiquent que les questionnaires de symptômes neuropsychiatriques sont particulièrement sensibles aux effets du Mn sur le système nerveux. Le résultat des analyses a montré une relation significative entre l'exposition cumulée au Mn et les scores aux échelles Somatisation, Dépression, Anxiété et Hostilité. Les travailleurs dans les deux tertiles supérieurs d'exposition cumulée avaient un risque significatif d'avoir un score élevé aux échelles Hostilité, Dépression et Anxiété. Ces résultats suggèrent que l'exposition cumulée au Mn est associée à la gravité des symptômes neuropsychiatriques jusqu'à 14 ans après la fin de l'exposition. Nos travaux ont mis en évidence la vulnérabilité des travailleurs plus âgés aux effets neurotoxiques du Mn. Le suivi de cette cohorte de travailleurs plusieurs années après la fin de l'exposition a montré un portrait complexe de changements des atteintes neurofonctionnelles, où certaines atteintes sont partiellement réversibles, particulièrement chez les moins exposés, alors que d'autres atteintes persistent, particulièrement chez les plus âgés. Nous estimons que la possibilité de récupération neurofonctionnelle après la fin de l'exposition devrait encourager les mesures de réduction des concentrations de Mn dans les milieux de travail concernés par ce risque. En même temps, la persistance de certaines atteintes associées à l'exposition au Mn, et cela jusqu'à 14 ans après la fin de l'exposition, montre l'importance de prévenir celles-ci. Il semble que l'exposition cumulée à ce métal soit déterminante dans l'apparition des signes de neurotoxicité. La concentration de Mn dans l'air de l'usine où étaient employés les travailleurs à l'étude ici respectait la norme d'exposition, norme toujours en vigueur aujourd'hui. L'exposition cumulée au Mn était en deçà de 100 mg/m3 x année et a néanmoins été associée à des effets néfastes durables sur certaines fonctions neurocomportementales. Or, un travailleur exposé à la valeur maximale légalement admise pendant 35 ans aurait un indice d'exposition cumulée encore plus élevé, soit de 175 mg/m3 x année, ce qui suggère que la norme actuelle d'exposition ne protège probablement pas la santé de tous les travailleurs. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : manganèse, travailleurs, neurotoxique, neurocomportemental, exposition cumulée

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur.
Directeur de thèse: Mergler, Donna
Mots-clés ou Sujets: Manganèse / Manganisme / Neurotoxicité / Trouble mental organique
Unité d'appartenance: Instituts > Institut des sciences de l'environnement (ISE)
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 27 avr. 2017 15:00
Dernière modification: 27 avr. 2017 15:00
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/9610

Statistiques

Voir les statistiques sur cinq ans...