Les nanotechnologies ou l'impensé de l'épistémologie : d'une science qui représente à une science qui intervient

Guèye, Thierno (2014). « Les nanotechnologies ou l'impensé de l'épistémologie : d'une science qui représente à une science qui intervient » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en philosophie.

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Résumé

Cette thèse porte sur l'examen d'une question que l'avènement des nanotechnologies rend de plus en plus pressante pour la philosophie en général et la philosophie des sciences en particulier. Elle prend les allures d'une critique de cette dernière en se fondant sur quelques théories philosophiques, représentatives et suffisamment originales sur la science, développées par Thomas Kuhn, Imre Lakatos, Ian Hacking et Serge Robert. Les différents discours sur les nanos et plus précisément le concept de nanotechnologie se sont révélés, à tout le moins, polysémiques et décrivent parfois prématurément une activité qui au sens strict n'existe pas encore. Ainsi, nous avons requalifié le concept de nanotechnologie en « nanotechnoscience » et proposé une définition plus rigoureuse mettant l'accent sur la nature hybride de cette activité, à la fois théorique et pratique, scientifique et technologique. Puis nous avons confronté les philosophies des sciences que nous avons retenues aux fins de les mettre à l'épreuve de ce qui apparaît comme un impensé de leurs philosophies, notamment la dimension technologique de la science souvent connue et reconnue, mais « sous-traitée » et reléguée au mieux au second plan. Nos recherches ont donc porté sur chacune des philosophies que nous avons annoncées, sur les nanotechnosciences elles-mêmes, la philosophie de la technologie, mais aussi sur celle naissante des technosciences et des nanotechnosciences sans oublier notre ouverture à des fins heuristiques sur la philosophie du langage d'Austin et la praxéologie de Denis Vernant. Dans cette étude, nous avons traité d'étymologie, d'histoire du préfixe nana et de définition. Puis, nous avons examiné attentivement les différentes philosophies des sciences par lesquelles il nous a paru pertinent d'examiner les nanotechnosciences émergentes afin de voir ce qui dans ces doctrines permettrait d'envisager une réflexion philosophique sur les nanos. Sachant que ces pensées privilégient la représentation sur l'intervention, nous nous sommes posé la question de la place de la technologie dans ces systèmes philosophiques avec l'idée que la technologie est une condition nécessaire quoique non suffisante de toute philosophie à prétention technoscientifique ou nanotechnoscientifique. C'est dans cette optique que nous avons sollicité la théorie des paradigmes, puis celle du falsificationnisme sophistiqué revu et corrigé par le correctionnisme de Robert avant de tenter l'interventionnisme de Hacking. Au cours de cet exercice, nous avons pu constater l'omniprésence de la technologie tout comme l'hétérogénéité de la place qui lui est accordée dans ces théories philosophiques. Ainsi de Kubn à Hacking, la reconnaissance du rôle et de la place de la technologie va crescendo, au point de nous inviter à penser les nanotechnosciences en termes d'« actes de discours ». L'enchevêtrement ou l'entrelacement entre science et technologie nous a inspiré deux analogies : la première avec l'idée de « contexte de performance oral » de Mamoussé Diagne analogue elle-même à la seconde, la performativité introduite et initiée par les réflexions d'Austin sur le discours ordinaire. Notre investigation prend les allures d'une mise à l'épreuve de toutes ces philosophies à l'aune de la place qu'occupe la technologie dans leurs systèmes respectifs. Pour ce faire, nous avons eu recours à l'analyse comparative des discours philosophiques sur la science ainsi que ce que nous avons appris sur les pratiques scientifiques, le tout complété par une approche lexicométrique basée sur le corpus des principaux ouvrages de Kubn, Lakatos, Robert et Hacking. Notre démarche nous a amené à mettre en cause l'étymologie du préfixe nano trop hâtivement attribuée au grec alors qu'il serait plus à propos de la considérer comme latine, puis nous avons tenté d'établir l'idée que les « nanotechnologies » n'existent pas et que ce que l'on appelle bien souvent ainsi relève d'un abus de langage et d'une sorte d'anachronisme inversée. De cette critique nous avons tenté de tirer des leçons qui ont inspiré la requalification conceptuelle de l'activité qu'est censé désigner ce morphème en « nanotechnoscience » que nous avons redéfini en tenant compte de plusieurs facteurs déterminants. Ceci établi, à l'issue de cette analyse, nous avons pu affirmer que ni la philosophie de Kuhn, ni celle de Lakatos, ni celle de Robert ne laissent suffisamment de place à la technologie pour se positionner comme philosophie des technosciences. Celle qui semble la plus adéquate est l'interventionnisme défendu par Hacking, mais auquel Gilbert Hottais reproche de n'avoir pas franchi le pas qui l'aurait mené à une philosophie des technosciences authentique. C'est alors que des pistes vers Bacon ou Peirce sont suggérées respectivement par Hacking (1983) puis Schmidt (2011) et par Nordmann (2012). En ce qui nous concerne, sans nous prononcer sur ces choix, nous indiquons la voie vers la construction d'une « nanophilosophie » qui s'inspirerait essentiellement de la philosophie du langage oral (Diagne, 2005), du discours ordinaire (Austin, 1962) et de l'action transactionniste (Vernant, 2009). En définitive, cette analyse a fini d'établir que les philosophes des sciences doivent sortir des clivages qui les confinent dans des carcans et les opposent en représentationalistes vs interventionnistes de façon trop réductrice, bien souvent, et envisager leur relation au monde technoscientifique, ou simplement scientifique, plus en termes d'hybridité et d'enchevêtrement afin de mieux appréhender toutes les dimensions de la science, tant la représentationnelle que l'interventionnelle. Les nanotechnosciences indiquent une voie d'ouverture et de complémentarité presque ontologique plutôt que des clivages ou des subordinations qui trahissent, malgré nous, nos idéaux d'égalité et de respect par la diversité. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Philosophie des sciences, technoscience, nanotechnoscience, épistémologie, nanotechnologie, politique de la science, politique scientifique, transactionnisme

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur.
Directeur de thèse: Robert, Serge
Mots-clés ou Sujets: Sciences. Philosophie, Technologie. Philosophie, Nanotechnologie. Philosophie, Épistémologie
Unité d'appartenance: Faculté des sciences humaines > Département de philosophie
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 18 juin 2015 12:50
Dernière modification: 18 juin 2015 12:50
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/7044

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