Schönig, Daniel
(2025).
« The effects of local governance and systemic shocks on disturbance patterns in neotropical moist forests » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en biologie.
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Résumé
Une perspective sur la gouvernance et la gestion des forêts qui repose sur la notion de systèmes complexes met en avant l’interdépendance entre les éléments sociaux et écologiques des systèmes forestiers, le large éventail de contributions matérielles et immatérielles apportées par les forêts aux sociétés humaines et la manière dont ces contributions émergent à partir des interactions entre nombreux éléments du système. La conceptualisation des forêts en tant que systèmes complexes a donc été proposée comme un moyen de développer des approches contextuelles qui tiennent compte de la multifonctionnalité des systèmes forestiers et qui soutiennent d’une manière plus efficace la gouvernance et la gestion forestière locale. Un obstacle fondamental à l’application concrète de ces approches est le manque de méthodes d’inférence causale spatialement explicites qui permettraient que des changements dans les patrons spatio-temporels des forêts puissent être attribués de manière quantitative à des interventions spécifiques (telles que les mesures de conservation incitatives), aux changements des conditions externes (telles que les récessions économiques majeures) ou à des attributs particuliers du système (tel que le régime foncier), tout en tenant compte des effets des variables confusionnelles qui ne présentent pas un intérêt principal. Ce besoin est particulièrement urgent dans le contexte des forêts humides néotropicales, qui sont caractérisées par des niveaux élevés de diversité biologique et culturelle – abritant un grand nombre d’espèces de vertébrés et de plantes vasculaires de la planète, ainsi qu’une forte proportion de langues menacées d’extinction – et par des pressions anthropiques croissantes qui entraînent la conversion et la dégradation de ces forêts. Le premier chapitre examine les caractéristiques qui permettraient aux méthodes d’attribution causale de répondre aux défis posés par la confusion spatiale. Ensuite, le chapitre présente Embedded Gaussian Process Attribution (EGPA), une méthode bayesienne spatialement explicite conçue en fonction de ces caractéristiques. Une évaluation de performance basée sur 12 000 paysages simulés montre qu’EGPA fournit des estimations ponctuelles précises et robustes ainsi que des estimations d’incertitude de meilleure qualité que celles des méthodes fréquemment recommandées pour l’inférence causale. L’étude de simulation est suivie d’une étude de cas portant sur un mécanisme de conservation incitatif mis en place en Amazonie équatorienne, illustrant la manière dont EGPA élargit le champ d’application des méthodes d’attribution causale en situation réelle. Le deuxième chapitre évalue les effets de la gouvernance autochtone et de la protection formelle sur la conversion des forêts et les perturbations forestières à court terme en Amazonie et en Amérique centrale. Dans ce contexte, EGPA permet de ajuster pour des différences en topographie, isolement, potentiel agricole et accès aux marchés, représentées par un ensemble de dix covariables spatialement structurées et corrélées. Les évaluations montrent une efficacité élevée de la gouvernance autochtone, évitant au moins autant de déforestation que le réseau d’aires protégées dans chaque région étudiée, en particulier à proximité des routes, des mines et des frontières agricoles dynamiques. La reconnaissance formelle des droits fonciers autochtones contribue fortement à réduire les perturbations forestières, tandis que la protection formelle des terres autochtones a peu d’effet supplémentaire dans la plupart des cas. Le troisième chapitre utilise EGPA (ainsi que d’autres méthodes d’inférence) afin d’évaluer les perturbations forestières en Amazonie lors de la pandémie de COVID-19, en se concentrant tant sur des changements en termes d’ampleur que sur des signes indiquant un réarrangement structurel des processus de perturbation. Les résultats montrent une première phase d’augmentation des perturbations forestières anthropogéniques dans des paysages déjà fragmentés, et une deuxième phase d’expansion rapide des frontières forestières vers des zones plus éloignées de l’Amazonie. Au cours de cette dernière phase, la gouvernance autochtone s’est avérée hautement efficace dans la prévention de perturbations forestières supplémentaires. Étant donné que les relations entre les facteurs et les perturbations forestières n’ont pas été fondamentalement modifiées, la pandémie de COVID-19 a entraîné une intensification de la dynamique des perturbations plutôt qu’une réorganisation, possiblement liée à l’augmentation de la production de boeuf et à l’affaiblissement des réglementations environnementales, et contre laquelle les populations autochtones ont résisté. Dans l’ensemble, les résultats empiriques présentés dans les deuxième et troisième chapitres soulignent l’importance des systèmes de gouvernance autochtones quant à l’intégrité des forêts humides néotropicales restantes, tant à long terme que face à des chocs systémiques abrupts. L’autonomie territoriale des groupes autochtones – y compris la reconnaissance formelle des droits fonciers – constitue donc un pilier important des systèmes de gouvernance autochtones et influe sur leur efficacité à limiter les perturbations forestières d’origine anthropique. En même temps, la protection formelle (sous forme d’aires protégées désignées) n’est pas une condition préalable à une gouvernance autochtone efficace. De plus, les avancées méthodologiques présentées dans le cadre de cette thèse de doctorat permettent une meilleure attribution des causes pour des patrons géographiquement variables au sein des systèmes social-écologiques : EGPA permet d’augmenter d’au moins un ordre de magnitude le nombre d’observations utilisées pour l’inférence causale (jusqu’à 10 millions et plus dans les chapitres empiriques), ce qui permet d’évaluer des combinaisons de politiques plus complexes et des attributs de systèmes spatialement superposés, de fournir des estimations d’effets causaux spatialement explicites et de tenir compte des relations non linéaires entre les patrons spatio-temporels observés et plusieurs variables de confusion. Les outils et les connaissances développés dans le cadre de cette thèse de doctorat pourraient s’avérer utiles pour orienter et contextualiser de futures études de cas à plusieurs échelles spatiales, permettant ainsi de relier des études détaillées au niveau local avec des évaluations régionales agrégées. Ceci est important pour se concentrer non seulement sur la question de savoir si des interventions ou caractéristiques systémiques influencent le comportement de systèmes forestiers, mais aussi pour diriger plus d’attention vers la contextualité et la variabilité intra-régionale, ou la question de savoir où et dans quelles circonstances des interventions ou structures de gouvernance spécifiques peuvent être efficaces. Ces avancées – conjuguées à la disponibilité croissante des bases de données géospatiales sur un plus large éventail de variables écosystémiques et de caractéristiques spatio-temporels des forêts – permettent également de réaliser de futures études à l’échelle régionale qui peuvent aller au-delà des perturbations forestières détectables par la télédétection, ce qui constitue l’une des principales limites de cette thèse. De telles études pourraient contribuer des informations plus détaillées sur des processus de changement des forêts en dessous de la canopée et sur la manière dont ces changements affectent les contributions matérielles et immatérielles fournies aux sociétés humaines, y compris celles liées à la reproduction de systèmes de connaissances bioculturelles complexes.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Gouvernance autochtone, analyse d’impact, confusion spatiale, Néotropiques, COVID-19
Type: |
Thèse ou essai doctoral accepté
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Informations complémentaires: |
Fichier numérique reçu et enrichi en format PDF/A. |
Directeur de thèse: |
Messier, Christian |
Mots-clés ou Sujets: |
Forêts / Gestion / Dégradation / Déforestation / Pandémie de COVID-19, 2020-2023 / Terres autochtones / Forêts en zones humides / Néotropiques |
Unité d'appartenance: |
Faculté des sciences > Département des sciences biologiques |
Déposé par: |
Service des bibliothèques
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Date de dépôt: |
22 sept. 2025 15:24 |
Dernière modification: |
22 sept. 2025 15:24 |
Adresse URL : |
http://archipel.uqam.ca/id/eprint/19114 |