Effets d'un enseignement du concept de neuroplasticité sur la motivation, la mobilisation du contrôle inhibiteur et la performance à une tâche contre-intuitive en mathématiques

Blanchette-Sarrasin, Jérémie (2024). « Effets d'un enseignement du concept de neuroplasticité sur la motivation, la mobilisation du contrôle inhibiteur et la performance à une tâche contre-intuitive en mathématiques » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en éducation.

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Résumé

Plusieurs études mettent en évidence que l’un des obstacles importants à la réussite des élèves est la difficulté à corriger des erreurs fréquentes et persistantes (Babai, Younis et Stavy, 2014; Vosniadou et Vershaffel, 2004). Ce type d’erreurs serait lié à la difficulté à résister à certains automatismes se manifestant souvent lors de situations contre-intuitives, alors que la réponse appropriée nécessite d’inhiber, c’est-à-dire de résister à un automatisme menant à une erreur (Houdé, 2014; Houdé et al., 2000). Ces erreurs sont reconnues comme étant particulièrement persistantes et résistantes à l’enseignement et donc difficiles à corriger (Babai et al., 2014; Vamvakoussi et al., 2012). Comparativement à des erreurs qui se corrigent plus facilement, ce type d’erreurs représente un défi considérable pour une grande proportion d’élèves et constitue un grand obstacle à l’apprentissage et à la réussite des élèves (Babai et al., 2014; Obersteiner et al., 2013). En effet, de nombreuses erreurs, notamment en mathématiques, seraient dues à une difficulté à inhiber des automatismes (D’Amico et Passolunghi, 2009), d’où l’importance de se pencher sur les moyens permettant d’améliorer la capacité des élèves à mobiliser le contrôle inhibiteur. Certaines études suggèrent qu’une stratégie prometteuse consiste à enseigner aux élèves comment leur cerveau fonctionne et apprend, en abordant notamment le concept de neuroplasticité (Blanchette Sarrasin et al., 2018; Schroder et al., 2014). Cela consiste à expliquer aux élèves qu’il est possible de modifier les connexions entre leurs neurones, que ces connexions se renforcent et deviennent plus efficaces avec l’effort, la pratique et l’utilisation de stratégies appropriées et qu’ainsi, en se pratiquant à résister à des automatismes, ils pourront s’améliorer à le faire (Ward, 2010). Cet enseignement favoriserait possiblement la mobilisation du contrôle inhibiteur, notamment parce qu’il permettrait de favoriser l’adoption de certaines croyances motivationnelles chez les élèves, telles qu’un état d’esprit dynamique. Cela consiste à croire que les habiletés et compétences peuvent se développer, comparativement à un état d’esprit fixe selon lequel les habiletés sont des traits fixes qui n’évoluent pas (Blackwell et al., 2007; Dweck, 2000). Ainsi, ces croyances motivationnelles influenceraient la réaction de l’élève face à l’erreur : lorsqu’on lui signale qu’il a commis une erreur, un élève ayant un état d’esprit dynamique aurait davantage tendance à mobiliser des mécanismes cérébraux de correction d’erreurs, notamment ceux liés au contrôle inhibiteur, ce qui entraînerait une meilleure performance (Mangels et al., 2006; Moser et al., 2011; Schroder et al., 2017) et se répercuterait sur certains apprentissages et résultats scolaires (Blackwell et al., 2007; Lanoë et al., 2015). Une méta-analyse montre que l’effet d’un enseignement de la neuroplasticité serait d’autant plus fort auprès des élèves « à risque » en mathématiques (g = 0,78) (Blanchette Sarrasin et al., 2018), possiblement en raison d’un état d’esprit plus fixe au départ chez ces élèves (Chouinard et al., 2004; Issaieva, 2013) et dans ce domaine (Rattan et al., 2012). Selon cette méta-analyse, les élèves « à risque » sont ceux qui présentent des facteurs de vulnérabilité susceptibles de nuire à leur réussite, comme de faibles résultats antérieurs. À notre connaissance, aucune recherche n’avait toutefois étudié l’impact d’un enseignement du concept de neuroplasticité chez des élèves qui, sans nécessairement être « à risque » ou en échec scolaire, commettent fréquemment des erreurs dans des tâches qui nécessitent le contrôle inhibiteur. Pourtant, comme cet enseignement du concept de neuroplasticité vise notamment à favoriser la mobilisation du contrôle inhibiteur, il pourrait être particulièrement bénéfique chez les élèves pour qui il est plus difficile de le mobiliser. De plus, les difficultés à inhiber sont fréquemment associées à des difficultés scolaires, notamment en mathématiques (Passolunghi et Siegel, 2004), qui elles sont associées à un état d’esprit plus fixe (Baird et al., 2009; Chouinard et al., 2004; Issaieva, 2013; Perret et al., 2011). Cela laisse entendre que l’effet de l’enseignement du concept de neuroplasticité sur la mobilisation du contrôle inhibiteur et la performance serait susceptible d’être plus grand chez ces élèves. Ainsi, considérant que la difficulté à mobiliser le contrôle inhibiteur est l’un des plus grands obstacles à la réussite des élèves et que peu d’études se sont penchées sur les stratégies pédagogiques visant à y remédier, il apparaît plus que pertinent d’étudier les effets d’une stratégie prometteuse pour favoriser cette mobilisation, soit un enseignement de la neuroplasticité. Considérant que ces erreurs se répercutent fréquemment sur la réussite des élèves, notamment en mathématiques (Fischbein et Schnarch, 1997; Vamvakoussi et al., 2012), et que la littérature montre un effet plus grand d’un enseignement de la neuroplasticité dans ce domaine, la présente recherche a été réalisée auprès d’élèves qui commettent fréquemment des erreurs dans des tâches qui nécessitent le contrôle inhibiteur, dans le contexte d’une tâche contre-intuitive en mathématiques. La question de recherche est donc la suivante : « Quels sont les effets d’un enseignement du concept de neuroplasticité sur la motivation, la mobilisation du contrôle inhibiteur et sur la performance à une tâche contre-intuitive en mathématiques? » Cette étude comparative a été menée auprès d’élèves de 10 à 12 ans recrutés via des écoles de la grande région de Montréal. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), une technique de neuroimagerie, a été utilisée dans la présente recherche afin d’observer la mobilisation du contrôle inhibiteur (p. ex., via l’activation du cortex préfrontal ventrolatéral) lors de la réalisation d’une tâche contre-intuitive de comparaison de fractions. Les différences entre un groupe expérimental (n = 22), recevant l’enseignement du concept de neuroplasticité sous la forme d’une courte vidéo, et un groupe contrôle (n = 22), recevant une intervention contrôle, ont été étudiées. La vidéo expérimentale, inspirée de Lanoë et ses collaborateurs (2015) et d’une durée de 5 minutes, aborde notamment la façon dont l’effort, la pratique et l’utilisation de stratégies appropriées améliorent l’efficacité des connexions neuronales, ce qui permet de s’améliorer. La présente recherche visait à vérifier les hypothèses selon lesquelles cet enseignement du concept de neuroplasticité dans le groupe expérimental entraînerait une augmentation de la motivation, du contrôle inhibiteur et de la performance à la tâche de comparaison de fractions, comparativement au groupe contrôle. Les résultats concernant la motivation permettent d’observer une amélioration significative du score motivationnel total entre le prétest et le posttest pour le groupe expérimental, mais pas pour le groupe contrôle. Sur le plan cérébral, les résultats montrent une activation significative du cortex préfrontal ventrolatéral dans le groupe expérimental pour la condition contre-intuitive, comparativement au groupe contrôle. Quant à eux, les résultats à la tâche de comparaison de fractions ne permettent pas d’observer de différences significatives entre les groupes, que ce soit sur le plan des temps de réponse ou des taux de réussite. Il semble donc que l’enseignement du concept de neuroplasticité ait eu un effet significatif sur la motivation et sur l’activité cérébrale liée au contrôle inhibiteur, mais que cet effet n’ait pas été suffisant pour que les élèves du groupe expérimental puissent compléter la mise en place du contrôle inhibiteur et que cela se reflète dans les temps de réponse et les taux de réussite à la tâche de comparaison de fractions. En somme, cette recherche permet non seulement de documenter les effets d’un enseignement de la neuroplasticité, mais également de mieux comprendre pourquoi et comment une telle intervention entraîne des effets positifs sur la motivation et l’activité cérébrale liée au contrôle inhibiteur. Ces résultats, bien que modestes et observés pour la première fois seulement, permettent déjà d’éclairer la pertinence d’introduire dans les écoles un enseignement de la neuroplasticité sous la forme d’une intervention courte, simple et non coûteuse. Cette intervention offre donc un rapport coûts-bénéfices intéressant, car en plus de favoriser la motivation des élèves, elle semble favoriser une activité cérébrale contribuant à la mobilisation du contrôle inhibiteur lors d’apprentissages réputés comme étant difficiles et contre-intuitifs. Bien que cette courte intervention de nature générale (non spécifique à une discipline) n’ait pas eu d’impact immédiat sur le plan comportemental, on peut penser que la mobilisation de régions cérébrales liées au contrôle inhibiteur constitue une première étape pour y parvenir. Ces résultats permettent également d’envisager des pistes de recherche futures concernant ce type d’intervention, afin d’outiller les enseignants et les futurs enseignants pour mieux intervenir auprès de leurs élèves ayant moins de facilité à mobiliser le contrôle inhibiteur.

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: Fichier numérique reçu et enrichi en format PDF/A.
Directeur de thèse: Masson, Steve
Mots-clés ou Sujets: Apprentissage / Contrôle inhibiteur / Neuroplasticité / Motivation en éducation / Performance scolaire / Enseignement des mathématiques (Secondaire)
Unité d'appartenance: Faculté des sciences de l'éducation
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 07 mars 2025 09:07
Dernière modification: 07 mars 2025 09:07
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/18557

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