St-Laurent Laporte, Maxime
(2024).
« Qu'est-ce qu'un serment? Qu'est-ce que l'Allegiance? Le loyalisme juratoire dans la tradition politique anglaise » Mémoire.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Maîtrise en science politique.
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Résumé
Cet essai en deux parties s’intéresse aux fondements philo-politiques et historiques du loyalisme juratoire dans la tradition anglaise. La partie I offre un survol commenté des grandes théories du serment en Occident. Événement rituel de transformation intersubjective, aveu extraordinaire misant sur l’efficace d’une parole sacrée, le serment est un mécanisme de sécurisation dialectique pour conjurer l’imprédictibilité du monde, de l’Autre. Par là il répond d’une préoccupation prélangagière. Des présocratiques aux contemporains, l’évolution de l’horkos décrit une trajectoire singulière; de verbe cosmique à instrument du verbe humain. Jalon du « dualisme chrétien » (Prodi), la sacralité du serment sera accaparée, au début de l’ère moderne, par les religions civiles montantes. La seconde partie de l’étude traite, d’une part, de l’allégeance, et d’autre part, du jurement d’allégeance comme dispositifs fondateurs et consécratoires dans l’épopée politique anglaise, britannique. Au sens classique, l’allégeance désigne le lien d’assujettissement « intrinsèque » d’une personne à la personne providentielle du roi, « selon le droit » (Locke). En présence d’une loi suprême écrite comme au Canada, cette personne devient toutefois un personnage susceptible d’évoluer en un fidélitaire et un souverain distinct. Principe cristallisateur de la souveraineté, source d’agentivité constitutionnelle commune, l’Allegiance forme l’élément lourd du pacte britannique. S’agissant de l’Oath of Allegiance, il s’interprète tantôt, au sens de notre partie I, comme un vrai serment (pour l’alien ou le sujet nouvellement conquis) tantôt comme un test d’allégeance (pour le sujet déjà lige ou réputé tel). Le cheminement théorique de ce culte « constituant » au fil des âges peut se décliner en cinq configurations non mutuellement exclusives : « féodale », « para féodale », « nationale-royaliste », « nationale-covenantaire » et « nationale-royaliste contemporaine ». Passé les troubles religieux du XVIIe s., le national-royalisme pâtit de l’essor du libéralisme. S’ensuit une « privatisation de la conscience » (Jones) permettant à l’idée de tolérance d’atterrir législativement. S’ajoute la relative tranquillité dont jouiront les Hanovre après la mort du dernier prétendant Stuart, qui contribuera à l’accalmie juratoire observée depuis. En effet, à quoi bon jurer, s’il n’y a plus rien à conjurer? À cette question, l’auteur répond que le jurement demeure, à l’ère contemporaine, un puissant instrument de communion nationale et de contrôle de la faithfulness des « citoyens », à commencer par les élites. Et bien que passablement délaissé comme levier de négociation constitutionnelle, il n’en conserve pas moins son utilité fondamentale – fût-elle dormante – comme manifestation par excellence du principe d’Allegiance sur lequel repose toujours le pacte politique britannique. À tout événement, si un péril existentiel venait à planer sur le régime, la question de l’allégeance pourrait réémerger comme un enjeu critique au Royaume-Uni.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : serment, allégeance, tradition politique anglaise, tradition politique britannique, tolérance, monarchie, loyalisme, covenantisme, républicanisme, religion civile, citoyenneté, Église.