Violences et voix de résistance de femmes arabes : l'étude de six mouvements locaux basés à Beyrouth et au Caire

Baba, Nathalie (2024). « Violences et voix de résistance de femmes arabes : l'étude de six mouvements locaux basés à Beyrouth et au Caire » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en psychologie.

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Résumé

La violence à l’égard des femmes représente un enjeu majeur de santé publique qui entraîne des conséquences dévastatrices sur la santé physique (blessures permanentes) et mentale (dépression, suicide, etc.), touchant plus de 35 % des femmes dans le monde (ONU, 2018 ; OMS 2021). Dans un contexte postrévolutionnaire arabe, la prévalence élevée des violences a conduit au développement et à la mise en place de programmes nationaux ainsi que de stratégies internationales pour prévenir et éliminer les violences contre les femmes. Cependant, malgré la promotion de ces mesures, plusieurs obstacles entravent l’accès et la prise en charge des survivantes de violence. En effet, seule une faible proportion d’entre elles a recours aux services institutionnels de police, de justice, de santé et de services sociaux pour obtenir de l’aide. Pour répondre à cette problématique, de nombreux mouvements et initiatives féministes, à la fois locales et interrégionales (et non institutionnalisées) ont émergé comme une alternative possible dans la lutte contre les violences faites aux femmes dans le monde arabe. Parmi la multiplicité des formes de lutte, nous avons choisi de nous intéresser à six initiatives locales et transnationales, basées à Beyrouth et au Caire, qui utilisent différents médias pour soutenir les femmes et mettre en lumière les violences qu’elles subissent. Bien que ces initiatives se distinguent par leur innovation à plusieurs égards, aucune étude n’a porté précisément sur l’analyse de leurs contenus, leurs processus de création et leurs implications sociales auprès des survivantes de violence. À partir de quatre-vingt-un récits de violence collectés sur les plateformes Web des initiatives à l’étude (n=81), ainsi que de onze entretiens semi-dirigés menés avec les femmes créatrices de ces initiatives (n=11), notre objectif était d’explorer l’articulation entre les expériences de violence des femmes et leurs pratiques de résistance. Spécifiquement, cette thèse souhaite comprendre le processus par lequel les femmes qui vivent des violences résistent et développent une capacité d’agir. Cette articulation entre violence et résistance a été abordée dans une perspective critique et interdisciplinaire qui allie les approches théoriques en anthropologie, en psychologie transculturelle, en sociologie critique et en études féministes. L’analyse des récits de violence dévoile les principaux contextes dans lesquels les expériences de violences s’inscrivent, à savoir le contexte intrafamilial, extrafamilial et intersectionnel. Les résultats montrent que les vécus de violences s’expriment au-delà de leur portée interpersonnelle et visible (p. ex. violences physiques, sexuelles et psychologiques perpétrées par un partenaire intime ou non-intime). Elles peuvent revêtir des formes sociales, institutionnelles et intersectionnelles. En termes de facteurs qui mettent les femmes davantage à risque de vivre des violences dans les deux terrains de recherche, au Caire et à Beyrouth, nos résultats révèlent le rôle de l’État, des institutions sociales (p. ex. l’absence de prise en charge sociale des femmes qui vivent des violences), et des croyances sociales associées à la violence. Parmi les mécanismes discursifs analysés qui justifient l’usage des violences faites aux femmes, la négation et l’invisibilisation sociale des violences, les attentes de genre liées à la masculinité et à la féminité, les normes de respectabilité et de protection de l’honneur familial, de même que l’intériorisation des violences par les femmes en tant que pratique acceptable ont été mis en lumière. En inscrivant cette thèse dans une perspective féministe intersectionnelle, nous avons montré comment les expériences de violence et les trajectoires de résistance varient entre les femmes selon l’intersection de facteurs de vulnérabilité sociale tels que le genre, la classe, l’ethnicité, l’orientation sexuelle, la situation de handicap, etc. L’application de cette perspective nous permet de situer la résistance des femmes sur un continuum allant du visible (p. ex. la prise de parole via le témoignage en ligne, l’activisme politique, l’engagement social et/ou la création des initiatives en ligne et hors ligne) à l’invisible (p. ex. les témoignages anonymes et publiés par un tiers, les gestes de solidarité et de vulnérabilité entre femmes, les prises de conscience sociale des violences, les interactions et valeurs « féministes » portées par la famille, ainsi que certaines stratégies de protection aux violences). Parmi ces stratégies, nous avons montré que le silence et certains gestes d’insubordination, tels que les actes de désobéissance et de refus, sont des pratiques mobilisées par les survivantes de violence pour résister aux violences vécues. Les facteurs qui renforcent ou limitent l’agentivité des différentes femmes seront explicités dans la présente thèse. Pour terminer, en plus de contribuer au développement des connaissances sur les phénomènes de violence et de résistance des femmes dans le monde arabe, cette thèse a permis de mettre en lumière les implications pratiques et cliniques des espaces en ligne ainsi que leurs limites dans la lutte transnationale des violences à l’égard des femmes. _____________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : femmes, violences, résistance, plateformes Web, féminisme, intersectionnalité interdisciplinarité, psychologie transculturelle

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: Fichier numérique reçu et enrichi en format PDF/A.
Directeur de thèse: Hassan, Ghayda
Mots-clés ou Sujets: Violence envers les femmes / Pays arabes / Femmes arabes / Récits personnels / Résistance / Féminisme / Internet et femmes / Activisme en ligne
Unité d'appartenance: Faculté des sciences humaines > Département de psychologie
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 03 juill. 2024 10:46
Dernière modification: 03 juill. 2024 10:46
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/17853

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