Song, Tengfei
(2023).
« Insights into the late quaternary glacial / interglacial history of the Arctic Ocean from Uranium-Thorium series and neodymium isotopes studies » Thèse.
Montréal (Québec), Université du Québec à Montréal, Doctorat en sciences de la Terre et de l'atmosphère.
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Résumé
L'océan Arctique diffère des autres océans en raison de sa couverture saisonnière de glace de mer, de la surface disproportionnée de ses plateaux continentaux, et de sa connexion limitée avec l'océan Pacifique via le détroit de Béring, dont la profondeur maximale est de l'ordre de 50 m. Le niveau de la mer et les conditions d'insolation, déterminant les bilans thermiques et la croissance ou la fonte de la glace, sont ainsi les principaux facteurs régissant les processus de sédimentation dans l'océan Arctique. Le niveau de la mer, en particulier, détermine la profondeur du détroit de Béring, donc les flux d'eau relativement chaude, peu salée et riche en nutriments, du Pacifique, jouant ainsi un rôle sur le bilan d'eau douce, l'étendue de la glace de mer et la productivité primaire dans l'océan Arctique. Cependant, en l’absence d’une chronostratigraphie fiable et de traceurs univoques, les processus de sédimentation dans l'océan Arctique, sous différentes conditions climatiques et de flux d'eau du Pacifique à travers le détroit de Bering, restent peu documentés. Dans cette thèse, parallèlement aux approches sédimentologiques courantes, les isotopes de l'uranium (U), du Thorium (Th) et du néodyme (Nd) de différents carottes sédimentaire de l’océan Arctique ont été utilisés pour fournir des repères chronologiques et retracer les processus de sédimentation au cours des derniers cycles glaciaires/interglaciaires, ainsi que pour estimer l’impact des flux d'eau du Pacifique via le détroit de Béring en réponse à la hausse du niveau de la mer après la dernière glaciation. Le chapitre 1 présente une réévaluation de l’utilisation des isotopes du Nd et de la distribution de la smectite comme traceurs potentiels des flux d'eau du Pacifique par le détroit de Bering. Les résultats montrent que les teneurs en smectite et la composition isotopique Nd (εNd) des lixiviats dans les argiles, toutes deux liées à l'altération des roches volcaniques dans la mer de Béring, constituent de bons traceurs des flux d'eau pacifique. La composition isotopique du néodyme (εNd) des lixiviats des fractions argileuses d'une carotte par gravité Arc4-R09 provenant du plateau central de la mer des Tchouktches, a évolué vers des compositions plus radiogéniques depuis le début de l'Holocène, suivant l'augmentation du niveau moyen global de la mer, et donc l'approfondissement du détroit de Béring. Au site d'étude, les flux de smectite provenant du plateau sibérien et de l'archipel arctique canadien sont importants. Par suite, dans la mer de Chukchi, la présence de smectite d'origine sibérienne et l'archipel arctique canadien masque ou dilue les apports de la mer de Béring et du Pacifique, via le détroit de Bering. Ainsi, seule, la composition isotopique du néodyme ( εNd) des lixiviats dans la fraction argileuse constitue un seul traceur fiable des flux d'eau du Pacifique à travers le détroit de Béring. Cependant, au-delà de la mer de Chukchi, le signal Nd du Pacifique disparaît rapidement, limitant ainsi l'utilisation du traceur aux séquences du plateau continental. Dans le chapitre 2, les résultats des analyses d'une carotte par gravité (Arc7-E25), prélevée au sud de la dorsale Mendeleev, permettent de retracer les processus sédimentaires après la transition du Pleistocene moyen dans l'ouest de l'océan Arctique. Les mesures de la série U-Th dans les 163 cm supérieurs de la carotte suggèrent un intervalle d'âge allant du stade isotopique marin (MIS) 1 au stade 11. Le sédiment contient très peu de matière organique et de sable mais se caractérise par un contenu élevé en argile, notamment dans la partie inférieure de la carotte. Nous interprétons ces caractéristiques comme l'indication de la présence d'une plate-forme glaciaire ou d'un inlandsis résilient, globalement entre les transitions MIS 11/10 et MIS 6/5e. Des conditions de glace de mer ouverte saisonnièrement ont cependant peut-être prévalu pendant l'intervalle couvrant le la Terminaison III et le MIS 7, comme l’indiquent des proportions élevées de sable et faibles d’argile, ainsi que des teneurs en 13C de la matière organique élevées suggérant des flux résultant d’une productivité primaire effective au cours de l'intervalle. Dans le troisième chapitre, nous avons compilé tous les enregistrements de 230Thxs de séquences sédimentaires de l'océan Arctique qui ont été publiés. La distribution et les inventaires des excès de 230Th sédimentaires (230Thxs), vs la fraction minérale de cet isotope, confirment la fiabilité du 230Thxs en tant qu'outil chronostratigraphique pour l'étude des séquences marines du Quaternaire tardif de l'océan Arctique caractérisées par un faible taux de sédimentation. L'estimation des flux de 230Th dans la colonne d'eau, au cours de conditions climatiques glaciaires vs interglaciaires, indique que le taux de production du 230Th était réduit d'environ 40% pendant les glaciations, par comparaison à celui des interglaciaires. La diminution des flux de 230Th serait à l’origine de la faible accumulation du 230Thxs sur les crêtes océaniques peu profondes au cours des épisodes glaciaires. Elle serait liée au développement d'épaisses plates-formes de glace sur l'océan Arctique surmontant une couche d'eau de très faible salinité. Les faibles taux de production et le faible dépôt de sédiments grossiers pendant les glaciations ont pu conduire à l'exportation de 230Th vers les mers nordiques et une accumulation partielle dans les bassins profonds de l'océan Arctique. Notre étude a également permis de conclure que les flux sédimentaitres de 230Thxs, dans l'océan Arctique, dépendent non seulement des flux de matière organique, mais aussi de la bathymétrie, avec un transfert de 230Thxs des crêtes vers les bassins profonds via des processus de vannage induits par l'accumulation de la saumure dans la partie occidentale de l'Océan Arctique, et son évacuation vers le détroit de Fram. Les flux de carbone organique seraient liés d’une part aux apports fluviatiles de composés organiques dissous d’origine terrestre et, d’autre part, à la productivité primaire régie par l'ouverture saisonnière de la couverture de glace de mer, mais dissociée des flux de particules grossières. Dans l’ensemble, les contributions principales de cette thèse sont i) la vérification de la zone géographique permettant de tracer les flux de Nd radiogénique (εNd) de la mer de Bering, via les lixiviats des sédiments du plateau intérieur de la mer des Tchouktches; ii) un essai de leur quantification en relation avec le niveau de la mer et la bathymétrie du détroit de Béring; iii) une meilleure appréciation des paramètres gouvernant les flux sédimentaires à partir d'une stratigraphie basée sur le 230Thxs; iv) la mise en évidence d'une plateforme de glace résiliente, depuis la Sibérie orientale jusqu'à la crête de la ride de Mendeleïev la plus méridionale; v) un examen circonstancié du cycle et du comportement du 230Th dans l'océan Arctique.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Océan Arctique, Quaternaire, isotopes radiogéniques, Eau du Pacifique, sédimentation