Les propositions alternatives de développement rural par les organisations paysannes colombiennes : le cas d'AgroFagua

Cruz, Jenny Paola (2023). « Les propositions alternatives de développement rural par les organisations paysannes colombiennes : le cas d'AgroFagua » Thèse. Montréal (Québec), Université du Québec à Montréal, Doctorat en sciences de l'environnement.

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Résumé

Depuis les années quatre-vingt, la grande majorité des pays de l’Amérique latine ont adopté des modèles de développement rural fondés principalement sur la modernisation du secteur agricole. Le type d’agriculture qui a été privilégié est l’agriculture intensive, à grande échelle et orientée vers l’exportation, notamment la production des cultures dites « non traditionnelles » telles que la palme, le soja et les fleurs, au détriment de la petite agriculture qui produit principalement des denrées alimentaires et approvisionne les marchés locaux et nationaux. Face à l’exclusion de la petite agriculture des stratégies de développement rural, les organisations paysannes de la région réagissent et proposent leurs propres alternatives de développement y compris l’adoption et la défense des projets qui privilégient l’agriculture familiale et les pratiques agricoles plus écologiques. De nombreuses études s’intéressent à la contribution des organisations paysannes au développement des milieux ruraux, ainsi qu’à la dimension technique de l’agriculture familiale et de l’agroécologie, mais rares sont les recherches qui s’intéressent à la perception du développement rural par ces organisations et à la dimension sociale des alternatives de développement adoptées collectivement. Cette recherche étudie comment le développement rural est perçu et vécu par les organisations paysannes et vise à mieux comprendre les projets alternatifs qu’elles portent. Plus spécifiquement, cette recherche s’intéresse à l’appropriation collective de l’agriculture familiale et de l’agroécologie par les organisations paysannes. Pour ce faire, nous nous sommes penchés sur le cas de la Colombie qui, dans le cadre d’une contexte inédit de post-conflit, est en train de discuter et de redéfinir un modèle de développement des milieux ruraux où l’agriculture familiale et l’agroécologie occupent une place importante. En nous inspirant du courant des nouveaux mouvements sociaux, nous proposons une lecture des organisations paysannes colombiennes en tant qu’acteurs sociaux qui, dans le cadre d’un conflit avec des adversaires, portent un projet de développement rural plus inclusif pour la paysannerie. Dans le cadre de ce projet, l’agriculture familiale et les pratiques agroécologiques sont adoptées par les organisations paysannes en tant qu’outils de revendication et d’émancipation. À partir de cette perspective, nous avons réalisé une étude d’un cas unique en menant une recherche empirique de quatre mois dans une organisation de producteurs composée de 24 familles paysannes pratiquant l’agroécologie dans la région des Andes colombiennes. Nous avons procédé à de l’observation participante, nous avons réalisé des entrevues ainsi qu’une collecte documentaire. Nous avons mené une analyse qualitative des données recueillies afin de mettre en lumière d’une part les représentations que se font les membres de l’organisation du développement rural et d’autre part, l’instrumentalisation qu’ils font de l’agriculture familiale et des pratiques agroécologiques. Nous avons tout d’abord caractérisé le modèle de développement rural qui a été privilégié au fil des années dans la région où s’insère l’organisation paysanne et nous avons montré qu’il exclut le secteur agricole, notamment l’agriculture paysanne, favorisant d’autres secteurs comme la construction de logements et la prestation de services commerciaux. Notre étude révèle que le développement rural est perçu comme un enjeu majeur pour les membres de l’organisation paysanne et que leurs principales préoccupations à ce sujet sont : la perte de l’importance de l’agriculture et des traditions paysannes, l’épuisement des ressources naturelles et l’étalement urbain. Les membres de l’organisation considèrent que le modèle de développement rural dominant marginalise les agriculteurs paysans et, plus largement, les communautés rurales. Ils prennent position contre ce modèle et tiennent l’État, et plus précisément l’administration municipale, pour responsable de la dégradation de la ruralité dans la région au fil des années. Nos résultats montrent que le développement rural est redéfini par l’organisation paysanne en fonction de la protection et de la promotion de l’agriculture paysanne et de l’amélioration de la qualité de vie des communautés rurales. L’organisation propose un modèle de développement alternatif pour les milieux ruraux qui favorise la récupération de la vocation rurale et agricole et qui pose comme acteurs principaux les communautés rurales. Les membres de l’organisation paysanne se considèrent comme des acteurs importants contribuant concrètement à ce développement rural alternatif à travers différentes actions collectives, à savoir : la défense de l’agriculture paysanne et la motivation des villageois à se consacrer à l’agriculture, l’adoption de pratiques agricoles écologiques et la promotion des échanges de connaissances et de savoir-faire entre les producteurs membres de l’organisation et entre les villageois. L’adoption de l’agriculture familiale permet à l’organisation paysanne d’échanger avec différents acteurs et de rendre visibles leurs revendications à différents niveaux. Les pratiques agroécologiques sont mobilisées pour retrouver l’autonomie que les petits producteurs paysans ont perdue à plusieurs niveaux (p. ex. dans la production, l’alimentation et la commercialisation). Nous concluons qu’au-delà d’être des pratiques productives, l’agriculture familiale et les pratiques agroécologiques sont des outils de reconnaissance, de revendication et d’émancipation qui permettent aux organisations paysannes de porter leur propre projet de développement rural. Nos résultats permettent de définir et de mieux comprendre le développement rural localement, mais invitent à repenser les discours, les politiques et les projets au niveau national et international. _____________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : développement rural, organisations paysannes, mouvements sociaux, agriculture familiale, pratiques agroécologiques, Andes colombiennes

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: Fichier numérique reçu et enrichi en format PDF/A.
Directeur de thèse: Gendron, Corinne
Mots-clés ou Sujets: Développement rural / Organisations paysannes / Agriculture familiale / Agroécologie / Mouvements alternatifs / Andes / Colombie
Unité d'appartenance: Instituts > Institut des sciences de l'environnement (ISE)
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 27 mars 2024 08:00
Dernière modification: 27 mars 2024 08:00
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/17547

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