Gauthier-Boiteau, Delphine
(2023).
« "Si la mère aspire à reprendre pleinement la responsabilité de l'enfant, elle doit se concentrer sur sa réhabilitation, prendre soin de sa santé mentale et devenir stable" : du contrôle thérapeutique des mères judiciarisées à la chambre de la jeunesse » Mémoire.
Montréal (Québec), Université du Québec à Montréal, Maîtrise en droit.
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Résumé
La Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec a compétence pour statuer en matière de protection de la jeunesse. Les « ordonnances » et les « recommandations » formulées dans les décisions judiciaires évoquent le caractère thérapeutique de la prise en charge des mères. Ce mémoire s’intéresse au discours thérapeutique de la Chambre de la jeunesse à l’endroit des mères qui y sont judiciarisées. L’analyse de discours de deux-cents (200) décisions discutant de la « santé mentale » ou de la « toxicomanie » et rendues en 2019 a été effectuée selon une approche inductive mixte, mobilisant des techniques d’analyse qualitatives et quantitatives. La psychiatrisation des familles et les représentations politiques et sociales des rôles et responsabilités de la « bonne mère » contribuent à faire des mères l’objet privilégié de ce contrôle social. La littérature montre que toutes les familles ne sont pas visées de la même façon par ce système : l’intrication de la condition sociale, raciale et coloniale traduit le lieu intersectionnel de l’intervention. Alors qu’il s’insère dans une forme de contrôle social des familles par une prise en charge étatique, une hausse de la judiciarisation a cours depuis près de trente (30) ans dans ce domaine de droit. Faire sens de la surreprésentation de certaines familles et comprendre le cadre juridique de l’intervention en protection de la jeunesse implique d’en présenter des aspects historiques – législatifs et politiques – et de le situer par rapport au droit de consentir à un soin. Cette recherche mobilise le concept de contrôle thérapeutique pour développer une compréhension approfondie du paradigme d’intervention analysé à partir du discours judiciaire. Les données dévoilent un dispositif de contrôle social par l’injonction thérapeutique. Le tribunal « ordonne » et « recommande » que les mères se soumettent à un suivi médical, psychiatrique ou psychologique; une thérapie en lien avec leurs émotions, la violence conjugale ou la consommation; des ateliers liés à leurs capacités parentales, etc. La DPJ exerce une surveillance intime des mères. Leurs relations conjugales, leur sexualité et leurs affects sont au centre de la discussion judiciaire, tandis que leurs proches et familles sont, par extension, l’objet de la surveillance et ses agent·es. L’interprétation des conditions de vie, des comportements ou attitudes des mères comme « facteurs de risque » – liés à la santé mentale, la consommation ou la violence conjugale – et selon le prisme de l’instabilité déclenche le caractère thérapeutique de l’intervention. Ce discours en est un genré, qui (re)produit des représentations sociales de la maternité autour de la figure de la « mauvaise mère ». L’usage du thérapeutique comme outil de transformation morale et de normalisation des mères est mis en oeuvre par des mesures relatives à la garde et aux contacts avec le(s) enfant(s). La crainte et le préjudice que suscitent leur mise en place ou leur continuation permet d’inciter les mères à consentir. Cette injonction thérapeutique, dans sa dimension matérielle (tribunal, intervenant·es judiciaires, social·es et thérapeutiques, pratiques institutionnelles, dispositif judiciaire) et symbolique (savoirs, morale, codes et force du droit) est au carrefour du soin et du contrôle, alors que ce domaine de droit n’échappe pas à l’influence de la jurisprudence thérapeutique. Ce mémoire soulève la mise à mal du caractère libre du consentement par la procédure judiciaire et l’injonction à la collaboration. La valeur juridique du consentement libre et éclairé est plus largement discutée en tant que forme « déguisée » de contrainte, tandis que la difficulté de conclure à la contrainte incarne une injustice herméneutique. Enfin, le contexte procédural et judiciaire propre à cette recherche et le recours grandissant à la Chambre de la jeunesse par la DPJ requièrent d’interroger l’usage et la fonction politique du tribunal.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : contrôle thérapeutique, mauvaise mère, chambre de la jeunesse, protection de la jeunesse, soin, contrôle social, santé mentale, consommation, violence conjugale, risque, jurisprudence thérapeutique
Type: |
Mémoire accepté
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Informations complémentaires: |
Fichier numérique reçu et enrichi en format PDF/A. |
Directeur de thèse: |
Bernier, Dominique |
Mots-clés ou Sujets: |
Contrôle social / Thérapeutique / Mères / Protection judiciaire de la jeunesse / Jurisprudence / Chambre de la jeunesse (Cour du Québec) / Québec (Province) |
Unité d'appartenance: |
Faculté de science politique et de droit |
Déposé par: |
Service des bibliothèques
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Date de dépôt: |
22 févr. 2024 14:35 |
Dernière modification: |
24 mai 2024 09:58 |
Adresse URL : |
http://archipel.uqam.ca/id/eprint/17415 |