Guay-Poliquin, Christian
(2024).
« Raconter la chasse : enjeux du récit cynégétique dans les arts narratifs européens et nord-américains depuis la seconde moitié du XXe siècle » Thèse.
Montréal (Québec), Université du Québec à Montréal, Doctorat en études littéraires.
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Résumé
Des chasses rituelles des sociétés archaïques à la chasse dite sportive des temps modernes, l’activité cynégétique a toujours été accompagnée d’une grande puissance évocatrice. Que l’on pense aux multiples renvois au monde de la chasse dans les mythes et les épopées de l’Antiquité, à la chasse à courre comme privilège de l’aristocratie ou, plus tard, à l’appropriation des références cynégétiques par la culture populaire, la chasse comporte une dimension symbolique qui l’inscrit d’emblée dans le champ social. Plus encore, en entretenant des liens forts avec le territoire, la guerre, la mort et la communauté, la mise en récit de la chasse suscite le déploiement d’une poétique de l’expérience ancrée dans la tradition. Or, si la chasse racontée agit comme une constante à travers le temps, sa signification implique quant à elle des usages, des dispositions et des moeurs qui tracent, selon les époques, les contours de différents enjeux culturels. Si le rapport à la tradition est essentiel dans la chasse racontée, plusieurs récits cynégétiques européens et nord-américains parus depuis la seconde moitié du XXe siècle mettent toutefois à l’épreuve leur passé fondateur. En évoquant l’imbrication complexe entre chasse et société, ces derniers présentent un décalage grandissant entre la perpétuation de la pratique de la chasse et les processus civilisationnels modernes. La modernité, faut-il le rappeler, récuse l’autorité des modèles anciens en les dépouillant de leur exemplarité. Ainsi, dans les chasses racontées qui constituent notre corpus, la mémoire du passé ne nourrit plus l’expérience du présent. À cette « crise de l’expérience » (Benjamin, 1939) s’ajoutent d’autres états de crise, dont, entre autres, la crise du sauvage, celle de la mort ou de la communauté. En composant avec ces crises, les oeuvres littéraires et cinématographiques à l’étude dans cette thèse réagencent, voire resémantisent, les quatre grands motifs narratifs transhistoriques du récit cynégétique que sont la territorialisation, la confrontation, l’attente et la mise à l’épreuve. Faisant état d’une inquiétude marquée à l’égard de l’urbanisation et du développement industriel, notre corpus met en scène des chasseurs aux prises avec un profond sentiment de perte lié à la transformation du territoire par l’activité humaine. Par ailleurs, les traumatismes inédits causés par la guerre moderne affectent la mise en récit de la chasse en opérant un déplacement de la confrontation cynégétique vers une interrogation éthique sur la posture du chasseur. Dans ce contexte, alors que la société moderne essaie tant bien que mal d’occulter la mort – animale autant qu’humaine –, ou du moins de l’éloigner du champ commun de l’expérience, la chasse racontée, à l’inverse, la révèle et la raconte. D’où l’émergence d’un malaise à l’idée d’abattre une bête sauvage. Enfin, que ce soit à cause de fautes commises par des individus ou des pièges tendus par le groupe à l’attention d’autres chasseurs, les communautés qu’on retrouve dans notre corpus sont dysfonctionnelles, défaillantes, bref, problématiques. Les querelles, les dissensions et les railleries y prennent une telle ampleur qu’elles finissent par détourner le cours normal de la chasse. En racontant des conflits, des échecs et des déboires cynégétiques, les chasses racontées des dernières décennies sont marquées par un certain désenchantement du monde et questionnent la chasse de l’intérieur. Pourquoi chasser de nos jours? Qu’est-ce que cela signifie? Que faire des traditions séculaires? De toute évidence, ces oeuvres évoquent une tension entre la perpétuation du récit de chasse et l’étiolement de l’expérience cynégétique. En problématisant les chasses qu’il met en scène, notre corpus fait état de la désynchronisation opérée par la modernité, depuis la seconde moitié du XXe siècle, à l’égard de la tradition cynégétique et de sa transmission. Les motifs narratifs de nos chasses racontées évoquent en ce sens des gibiers en voie de disparition, les traumatismes paralysants des vétérans des grandes guerres, les angoisses existentielles à l’idée de donner la mort à un animal et des initiations ratées. En fait, nos oeuvres sont traversées par ce que nous appelons le « syndrome de saint Hubert » car, à l’instar du patron des chasseurs qui, littéralement, changea son fusil d’épaule, elles impliquent une profonde remise en question du sens de la pratique cynégétique et de son héritage. Ainsi, en historicisant la chasse, elles formulent une prise de position à l’égard du monde moderne et de ses différents états de crise.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : chasse racontée, récits, territoire, guerre, mort, communauté, tradition, transmission, crise de l’expérience, modernités, littératures européennes, états-unienne et québécoise des XXe et XXIe siècles
| Type: |
Thèse ou essai doctoral accepté
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| Informations complémentaires: |
Fichier numérique reçu et enrichi en format PDF/A. |
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Directeur de thèse: |
Villeneuve, Johanne |
| Mots-clés ou Sujets: |
Récits de chasse / Chasse dans la littérature / Chasse au cinéma / Littérature européenne / Littérature québécoise / Littérature américaine / 20e siècle / 21e siècle |
| Unité d'appartenance: |
Faculté des arts > Département d'études littéraires |
| Déposé par: |
Service des bibliothèques
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| Date de dépôt: |
14 févr. 2024 09:16 |
| Dernière modification: |
14 févr. 2024 09:16 |
| Adresse URL : |
http://archipel.uqam.ca/id/eprint/17392 |
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