Journalisme et capitalisme : pour un réinvestissement des concepts d'aliénation, d'exploitation et de composition de classe dans l'étude du processus de travail des journalistes québécois

Lamoureux, Samuel (2023). « Journalisme et capitalisme : pour un réinvestissement des concepts d'aliénation, d'exploitation et de composition de classe dans l'étude du processus de travail des journalistes québécois » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en communication.

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Résumé

Ma thèse vise à analyser comment se font l’aliénation et la souffrance des journalistes québécois. Contrairement aux analyses libérales qui lient constamment les journalistes à des figures du type « superhéros de la démocratie », je crois que le journalisme doit plutôt être considéré comme un travail, et donc lié aux formes institutionnelles du capitalisme. Ma problématique écarte ainsi deux biais, d’abord le biais libéral qui lie constamment le journalisme à la démocratie libérale, et le biais fonctionnaliste qui met l’accent sur la description de la mutation des identités professionnelles et non sur les luttes de classe. Cette conceptualisation me permet de dégager un nouvel angle pour décrire l’aliénation des journalistes : nous ne parlons plus d’une crise de confiance dans la démocratie libérale, mais bien d’une crise du capitalisme qui bouleverse les conditions de travail et qui crée des phénomènes d’intensification-accélération du travail. J’inscris donc ma recherche dans une extension de la sociologie post-marxiste du procès de travail. Mon cadre théorique est ainsi basé sur la réactivation des concepts de la théorie critique, dont l’aliénation, la résonance, l’exploitation et les classes sociales. Loin de tenir pour acquis ces concepts, je considère plutôt que ces derniers font face à des problèmes que je tente de dépasser en mobilisation la riche école du marxisme autonome italien et son concept de composition de classe. Je conçois l’analyse de la composition de classe comme l’étude d’un type de travail incarné par une classe dans une période historique du capitalisme, cette étude portant une attention particulière à la relation entre la subjectivité politique et l’objectivité technique de ce procès de travail. Au niveau empirique, ma recherche est basée d’abord sur une analyse de documents historiques où je retrace l’histoire de la composition de classe des journalistes québécois en trois parties, soit la germination de classe (1900-1940), la composition de classe (1940-1980) et la décomposition de classe (1980-2020). Si la germination correspond au premier moment où les journalistes aperçoivent un sentiment d’émancipation collective, et la composition au moment où les journalistes se rassemblent et tentent de s’émanciper par des revendications communes, la décomposition renvoie à la fragmentation de ce combat collectif en de multiples journalistes entrepreneurs d’eux-mêmes qui essaient tous et toutes de conquérir une place sur le marché du travail. Dans les chapitres suivants, je propose une analyse concrète des conditions de travail des journalistes évoluant pour plusieurs entreprises – Radio-Canada, Québecor, Le Devoir, la Coopérative nationale de l’information indépendante et des médias en ligne. Ma méthode est essentiellement les outils d’analyse fournis par la corecherche italienne, soit les entrevues semi-dirigées, mais aussi ce que j’ai nommé la méthode de l’espion, un mélange entre la technique du journal intime et de l’observation participante. Cette méthode me permet d’étudier tous les phénomènes qui renforcent la décomposition de classe : les mythes transmis dans les écoles de journalisme, la gestion méritocratique de Radio-Canada qui coince les journalistes dans des « devenirs-gestionnaires », la division du travail mise en scène par le processus de convergence chez Québecor, la précarité des pigistes qui se font coopter par les entreprises privées de la communication, et puis, la logique automatique (un devenir-machine) étant présente dans les médias qui s’adaptent de plus en plus aux grandes plateformes numériques. J’identifie ensuite quelques facteurs qui pourraient stimuler une recomposition de classe, comme les mouvements de dénonciation contre les climats toxiques ou la transition vers des modèles à but non lucratif ou coopératifs. Au final, dans le dernier chapitre, je propose que le processus de travail actuel produit en tout temps quatre subjectivités contradictoires qui évoluent dans un cycle dialectique : le Passionné, le Surchargé, le Méritocratisé et le Brulé. Ces subjectivités correspondent à des formes d’aliénation, respectivement à l’aliénation par la représentation (le Passionné), par la mobilisation permanente (le Surchargé), par rapport aux autres (le Méritocratisé) et par rapport à soi-même (le Brulé). Une réforme du syndicalisme, une définition plus sociale du journalisme et une transition vers des modèles de valorisation alternative sont abordés dans la conclusion comme des solutions à explorer pour créer un futur où les journalistes saisiraient ensemble leur destin collectif. _____________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : composition de classe, journalisme, travail créatif, travail culturel, aliénation, exploitation, médias, résonance, marxisme autonome

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: Fichier numérique reçu et enrichi en format PDF/A.
Directeur de thèse: Ouellet, Maxime
Mots-clés ou Sujets: Journalisme / Journalistes / Conditions de travail / Travail / Aliénation dans le travail / Subjectivité / Capitalisme et médias / Québec (Province)
Unité d'appartenance: Faculté de communication
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 12 sept. 2023 15:05
Dernière modification: 12 sept. 2023 15:05
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/16952

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