Gagné, Caroline
(2023).
« Analyse spatiotemporelle d’un territoire agroforestier : quand les conditions paysagères du passé et du présent s’unissent pour influencer les communautés forestières » Thèse.
UQAM, Doctorat en biologie.
Fichier(s) associé(s) à ce document :
Résumé
L’objectif général de cette thèse est de faire l’étude de communautés forestières d’arbres et d’arbustes sous l’angle de leur mémoire écologique et, plus précisément, de leur relation avec des legs paysagers et différents filtres écologiques ayant agi au fil du temps et à travers différentes échelles spatiales. Le territoire forestier du sud du Québec, hautement fragmenté et où les activités liées à l’agriculture et l’exploitation forestière ont façonné les paysages depuis 200 ans, se révèle un territoire idéal pour nos travaux.
Le chapitre 1 vise à évaluer si les communautés actuelles d’arbres et d’arbustes situées dans des paysages forestiers hautement fragmentés possèdent une mémoire écologique. Plus précisément, nous posons la question à savoir si les communautés actuelles sont liées aux conditions de peuplement et de paysage du passé à travers la présence de legs, tels que des patrons dans l’abondance, la richesse et la diversité des arbres et arbustes, qui auraient persisté au fil du temps. Nous examinons l’influence de plusieurs filtres écologiques agissant à l’échelle locale, du peuplement et du paysage sur les communautés actuelles d’arbres et d’arbustes. Pour les filtres à la dispersion à l’échelle du peuplement et du paysage, notre investigation couvre quatre périodes à l’intérieur des 85 dernières années, soit le passé lointain (1930-40), intermédiaire (1958), récent (1983) et le temps présent (2015). Les résultats montrent que les perturbations et la structure du paysage constituent des facteurs importants influençant les patrons de diversité et d’abondance des communautés d’arbres et d’arbustes et que leur influence persiste à travers le temps jusqu’à 57 à 85 ans plus tard. Ces communautés sont ainsi caractérisées par une mémoire écologique prenant la forme d’un délai de réponse suite à des changements survenus dans le passé dans la structure du paysage. Les résultats montrent également que les conditions d’habitat plus récentes ou actuelles pouvaient aussi être importantes pour expliquer l’abondance de certaines espèces d’arbres et d’arbustes, laissant entrevoir que des filtres écologiques plus récents (ex., perturbations, conditions biotiques et abiotiques) avaient la capacité d’effacer la mémoire lointaine des communautés.
Le chapitre 2 vise d’abord à déterminer si les communautés forestières d’arbres possèdent une mémoire écologique à travers leurs patrons de traits fonctionnels qui seraient liés aux conditions d’habitat du passé. Il vise également à déterminer si une trajectoire d’évolution du paysage hautement perturbée peut conduire à une érosion de la diversité des traits fonctionnels de réponses et à un filtrage des traits de réponses dans les communautés d’arbres actuelles. Cette trajectoire implique une altération des legs au sein du paysage au fil du temps, en raison de l’importance des milieux ouverts perturbés sur le territoire. Nos résultats indiquent que la structure fonctionnelle des communautés étudiées porte une mémoire écologique liée aux conditions d’habitat des années 1930-40 et 1958, mais que les conditions plus récentes ou actuelles sont également importantes. L’analyse des trajectoires de paysages indique par la suite que l’altération des legs paysagers, à travers des perturbations continues au fil du temps, peut conduire à une érosion de la diversité de réponses et à un filtrage des traits de réponses favorisant les espèces qui possèdent des graines se dispersant sur de plus longues distances par le vent ou les mammifères. Les trajectoires moins perturbées (davantage forestières au fil du temps) favorisent quant à elles une plus grande diversité de réponses et les espèces dispersant leurs graines par les oiseaux et capables de se reproduire végétativement. Ainsi, les espèces des communautés situées au sein de paysages historiquement plus perturbés possèdent une meilleure capacité de colonisation, mais une persistance locale plus faible à travers le mécanisme de reproduction végétative.
Le chapitre 3 investigue la relation entre les arbres résiduels actuels distribués au sein des paysages agricoles et les patrons des communautés forestières locales, tant au niveau spécifique que fonctionnel. Nous avons donc cartographié les arbres reliques présents en 2015 dans le paysage et les avons inclus dans le couvert forestier. Nos résultats montre d’abord que les arbres résiduels dans le paysage ont un effet positif sur la connectivité et que leur contribution relève surtout de leur rôle en tant que pas japonais. Nos résultats indiquent également qu’il existe une relation entre les arbres résiduels et les patrons des communautés d’arbustes en ce qui a trait à leur diversité spécifique et la diversité de leurs traits de réponses liés à la dispersion des graines et la reproduction. Les arbres résiduels sont également associés aux patrons des communautés d’arbres en ce qui concerne quatre traits fonctionnels de réponses, soit : la proportion d’espèces se reproduisant végétativement par drageonnement à partir de la couronne des racines, se reproduisant surtout de manière sexuée, dispersant leurs graines par les oiseaux et dispersant leurs graines par le vent. Les arbres résiduels persistants (présents en 2015 et en 1983) ne se sont toutefois pas révélés plus importants que les arbres reliques non-persistants (présents seulement en 2015). L’association entre les patrons des communautés forestières et les arbres résiduels suggère que ces derniers peuvent agir comme sources de propagules et favoriser le déplacement des animaux dispersant les propagules vers les forêts adjacentes, bien qu’ils pourraient aussi être le résultat de la dispersion des propagules en provenance de ces forêts. Dans les deux cas, les arbres reliques sont interconnectés avec les forêts dans le paysage et pourraient contribuer à leur mémoire écologique externe. Dans ce contexte, leur rôle ne devrait donc pas être négligé.
En somme, cette thèse permet de faire progresser nos connaissances quant à la profondeur temporelle de la mémoire des communautés forestières suite à la modification du paysage qui les entoure. Elle illustre également les effets que peuvent avoir les perturbations historiques continues sur les communautés forestières actuelles et nous permet d’anticiper une perte de résilience des forêts face à de futures perturbations. Enfin, en explorant les liens qui unissent les arbres reliques situés en milieux perturbés aux communautés forestières, cette thèse pave également la voie à de futures études qui viseraient à déterminer plus précisément le rôle que pourraient jouer ces legs du paysage dans l’augmentation de la résilience et de la capacité d’adaptation des forêts dans un contexte de changements globaux.
Type: |
Thèse ou essai doctoral accepté
Doctorat
|
Informations complémentaires: |
CEFTMS, Messier, C. and Filotas, E. and Doyon, F. |
Directeur de thèse: |
Messier, Christian |
Mots-clés ou Sujets: |
communautés d’arbres et d’arbustes, traits fonctionnels de réponses, mémoire écologique, structure et perturbations historiques du paysage, arbres reliques. |
Unité d'appartenance: |
Centres institutionnels > Centre d'étude de la forêt (CEF) |
Déposé par: |
delegation Daniel Lesieur
|
Date de dépôt: |
31 mars 2023 15:00 |
Dernière modification: |
31 mars 2023 15:00 |
Adresse URL : |
http://archipel.uqam.ca/id/eprint/16426 |