Estéphan, Amanda
(2022).
« Différences culturelles en reconnaissance de visages : quels sont les mécanismes et facteurs impliqués ? » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en psychologie.
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Résumé
Il a été démontré que la culture influence une multitude de processus visuels, à différents degrés variant d'un lien intime à l'absence de lien observable. De telle manière, l'hétérogénéité des résultats obtenus au fil d'études portant sur ce sujet souligne la complexité de l'interaction entre la culture et le système visuel; en outre, les phénomènes concernés demeurent à ce jour mal compris. C’est dans un tel contexte que ce projet de recherche a été formulé, s’appuyant sur des travaux antérieurs ayant dévoilé l’existence de différences entre des Asiatiques et des Occidentaux quant aux mouvements oculaires effectués au cours des tâches de reconnaissance de visages : comparativement aux Occidentaux, les Asiatiques déploient leur attention sur une portion plus large de leur champ visuel. L’hypothèse dominante est que ces différences culturelles seraient façonnées par l’orientation sociale (individualiste ou collectiviste) de ces cultures respectives. Cependant, les mécanismes et facteurs en jeu sont soumis à débat. D’une part, d’autres chercheurs n’ont observé aucune différence culturelle du même ordre durant les premières fixations, pourtant considérées cruciales pour la reconnaissance faciale. D’autre part, le lien entre l’orientation sociale et la perception a été remis en doute pour la reconnaissance de visage. De plus, des études récentes ont mis en lumière des particularités individuelles, affaiblissant ipso facto les catégories culturelles caractérisant précédemment les différences perceptives observées. En vue de mieux comprendre les mécanismes et facteurs impliqués dans ces différences interculturelles, trois expériences ont été conçues dans le cadre de la présente thèse. Premièrement, les mouvements oculaires demeurent une mesure inexacte de l’attention, et ainsi de l’information extraite par le système visuel. La présente thèse propose de mesurer, de manière directe, le type d’information utilisé par les Asiatiques et les Occidentaux pour reconnaître un visage, ainsi que la chronologie de cette utilisation (expérience 1). Deuxièmement, compte tenu des variations individuelles soulevées dans la littérature scientifique, cette thèse tentera de déconstruire le concept de “culture”, en examinant, d’une part, si les différences culturelles peuvent être expliquées par l’exposition à des systèmes de valeurs socioculturelles (expérience 2), et d’autre part, si elles peuvent être expliquées par des prévalences différentes de myopie chez les Asiatiques et les Occidentaux (expérience 3). Les résultats de l’expérience 1 révèlent que les Asiatiques utilisent de l’information visuelle de plus basse résolution que les Occidentaux, ce qui est cohérent avec un déploiement plus large de l’attention visuelle. Ces différences surgissent très tôt et précèdent les mouvements oculaires. Les résultats de l’expérience 2 suggèrent que le lien entre les valeurs sociales et les mouvements oculaires en reconnaissance de visages est complexe et ne peut pas expliquer les différences interculturelles. Finalement, les résultats de l’expérience 3 suggèrent que la myopie n’informe pas les différences culturelles; les données vont même dans le sens contraire de l’hypothèse initiale. Ensemble, les résultats de la présente thèse permettent d’approfondir les connaissances actuelles sur les mécanismes en jeu dans les différences culturelles en reconnaissance de visages. Néanmoins, la quête pour dénouer l’effet de la culture sur le système visuel reste inachevée. D’autres facteurs ainsi que des populations d’autant plus variées devront être étudiés pour arriver à tisser une image plus claire du rôle de l’environnement dans le développement perceptif.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : perception, reconnaissance de visages, culture, fréquences spatiales, myopie, orientation sociale