Bourdeau, Sarah
(2020).
« Les deux côtés de la médaille des dispositifs de conciliation travail et vie personnelle : processus expliquant les conséquences liées à leur utilisation » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en psychologie.
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Résumé
Des dispositifs de conciliation travail-vie personnelle sont offerts aux employés pour les aider à gérer les demandes souvent contradictoires émergeant des différentes sphères de leur vie et pouvant mener à des conflits entre leurs différents rôles (Greenhaus et Beutell, 1985). Toutefois, une revue de la littérature s’intéressant aux conséquences de ces dispositifs permet de cerner deux côtés à la médaille. D’un côté, certains travaux confirment « l’histoire du travailleur heureux » (Weeden, 2005) et présentent des conséquences positives en lien avec ces dispositifs (p. ex., plus grande performance au travail : Gajendran et Harrison, 2007 ; meilleure attraction et rétention des talents : Blair-Loy et Wharton, 2002). De l’autre, les travaux suivant l’hypothèse du « stigma de la flexibilité » (Williams et al., 2013) démontrent l’inverse (p. ex., pénalités salariales : Blair-Loy et Wharton, 2004 ; évaluation de performance à la baisse : Wharton et al., 2008 ; moins d’occasions de promotion, réduction de la mobilité interne et externe : Durbin et Tomlinson, 2010). La présente thèse vise à combler ces écarts observés dans la littérature et ainsi à mieux comprendre les conséquences associées à l’utilisation des dispositifs de conciliation travail-vie personnelle. Trois objectifs spécifiques sont poursuivis. Le premier vise à clarifier la nature différentielle des dispositifs de conciliation travail-vie personnelle. Le second vise à proposer les processus organisationnels permettant d’expliquer les conséquences de carrière positives et négatives vécues par l’employé utilisant ces dispositifs. Et finalement, le troisième objectif vise à explorer un processus psychologique expliquant des conséquences intra-individuelles vécues par les employés en lien avec l’utilisation des dispositifs. Le premier chapitre présente la problématique et une revue des écrits s’étant intéressées aux conséquences liées aux dispositifs de conciliation travail-vie personnelle. Les cadres théoriques sur lesquels la thèse repose y sont également présentés, plus spécifiquement la littérature sur le contrôle organisationnel (Flamholtz et al., 1985 ; Lincoln et Kalleberg, 1985 ; 1990) et la théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan, 2000 ; Ryan et Deci, 2017). Le deuxième chapitre présente le premier article de thèse. Celui-ci visait tout d’abord à clarifier la nature différentielle des dispositifs de conciliation travail-vie personnelle. De plus, l’Article 1 visait à proposer les processus organisationnels permettant d’expliquer les conséquences de carrière positives et négatives vécues par l’employé utilisant ces dispositifs. L’Article 1 présente un travail d’articulation théorique basé sur différents champs de littérature (p. ex., théorie de la signalisation : Connelly et al., 2011 ; Ross, 1977 ; Spence, 1973; théorie des attributions : Heider, 1958 ; Jones et Davis, 1965 ; Kelley, 1967; contrôle organisationnel : Baron et al., 1988 ; Clark et Wilson, 1961 ; Flamholtz et al., 1985 ; Kärreman et Alvesson, 2004 ; Lincoln et Kalleberg, 1985, 1990 ; schème de la dévotion au travail : Blair-Loy, 2003; Dumas et Sanchez-Burks, 2015 ; Williams et al., 2013). Un modèle multiniveau (dyade employé – superviseur et organisation) y est proposé. Celui-ci positionne les processus organisationnels qui expliquent comment les dispositifs plus habilitants et plus englobants mènent à différentes conséquences sur la carrière. Ainsi, l’utilisation d’un dispositif par l’employé agirait comme un signal de dévotion au travail (Connelly et al., 2011 ; Leslie et al., 2012 ; Ross, 1977 ; Spence, 1973). Ce signal serait par la suite interprété par le superviseur, qui émettrait des attributions quant à la dévotion au travail de l’employé (Heider, 1958 ; Jones et Davis, 1965 ; Kelley, 1967 ; Leslie et al., 2012). L’utilisation de dispositifs plus habilitants mènerait le superviseur à attribuer moins de dévotion au travail à l’employé (Heider, 1958 ; Jones et Davis, 1965 ; Kelley, 1967). À l’inverse, l’utilisation de dispositifs plus englobants mènerait le superviseur à percevoir l’employé comme étant plus dévoué au travail. Les attributions de dévotion au travail se traduiraient ensuite en conséquences sur la progression de carrière pour l’employé, au-delà de celles qu’il aurait autrement expérimentées. Des attributions de dévotion au travail plus élevées mèneraient ainsi à des conséquences de carrière plus positives, alors que des attributions de dévotion au travail plus faibles mèneraient à des conséquences de carrière plus négatives pour l’utilisateur. Le troisième chapitre présente le deuxième article de thèse. Celui-ci avait pour objectif de valider empiriquement la proposition selon laquelle les dispositifs peuvent se regrouper en suivant la proposition habilitante – englobante. Par ailleurs, cet article visait à explorer un processus psychologique, soit la satisfaction du besoin d’autonomie (Ryan et Deci, 2017), pour expliquer des conséquences intra-individuelles vécues par les employés en lien avec l’utilisation des dispositifs. Pour ce faire, quatre études à devis transversal ont été réalisées. L’Étude 1 visait à offrir une première validation empirique de la proposition habilitante – englobante et a été réalisée auprès de 292 étudiants universitaires dont la majorité était également des travailleurs. Les participants étaient invités à indiquer la probabilité qu’ils demandent à leur superviseur d’utiliser les sept dispositifs à l’étude (c.-à-d., réduction de la charge de travail, partage de l’emploi, congés, télétravail, flexibilité de l’horaire, garderies en milieu de travail et remboursement des traitements de fertilité) s’ils en avaient besoin. Une analyse factorielle confirmatoire valide la structure à trois facteurs. Le premier facteur comprend les dispositifs les plus habilitants, soit la réduction de la charge de travail, le partage de l’emploi et les congés. Le deuxième facteur comprend les dispositifs les plus englobants, soit la garderie en milieu de travail et le remboursement des traitements de fertilité. Finalement, le troisième facteur comprend les dispositifs plus intermédiaires, soit le télétravail et l’horaire flexible. L’Étude 2 visait à répliquer les résultats de l’Étude 1, cette fois-ci auprès d’un échantillon de travailleurs (N = 181). Les résultats répliquent ceux de l’Étude 1, et le modèle à trois facteurs est à nouveau confirmé. L’Étude 3 visait en premier lieu à répliquer à nouveau les résultats des Études 1 et 2, cette fois-ci en mesurant l’utilisation passée des dispositifs. Les participants, 284 travailleurs, étaient invités à indiquer la fréquence à laquelle ils utilisent les sept dispositifs à l’étude. Ils étaient également invités à compléter des échelles permettant de mesurer la satisfaction envers l’équilibre travail-vie personnelle, la carrière et la vie, l’épuisement émotionnel et l’intention de quitter l’organisation. Une analyse factorielle confirmatoire valide à nouveau la même structure à trois facteurs obtenue dans les Études 1 et 2 pour l’utilisation passée des dispositifs. Par ailleurs, les résultats montrent que l’utilisation plus fréquente de dispositifs habilitants mène à une plus grande satisfaction envers l’équilibre travail-vie personnelle, la carrière et la vie, alors que l’utilisation plus fréquente de dispositifs englobants mène à une plus faible satisfaction envers l’équilibre travail-vie personnelle, un plus grand épuisement émotionnel et une plus grande intention de quitter l’organisation. Finalement, l’Étude 4 visait, en plus de répliquer les résultats obtenus aux études précédentes (c.-à-d., la structure à trois facteurs), à examiner le rôle médiateur de la satisfaction du besoin d’autonomie. Les participants, 251 travailleurs de divers domaines, ont été invités à compléter les mêmes mesures qu’à l’Étude 3, ainsi qu’une échelle permettant de mesurer la satisfaction de leur besoin d’autonomie. Les résultats confirment une fois de plus la structure à trois facteurs. De plus, les résultats montrent que la satisfaction du besoin d’autonomie joue un rôle médiateur entre l’utilisation de dispositifs habilitants et englobants, et les conséquences intra-individuelles vécues. Spécifiquement, une plus grande utilisation de dispositifs habilitants était liée à une plus grande satisfaction du besoin d’autonomie, alors que l’inverse était observé pour une plus grande utilisation de dispositifs englobants. En retour, une plus grande satisfaction du besoin d’autonomie était liée à une meilleure satisfaction envers l’équilibre travail-vie personnelle, la carrière et la vie, ainsi qu’à moins d’épuisement émotionnel et d’intention de quitter l’organisation. Le quatrième et dernier chapitre présente une discussion générale. Les contributions théoriques et les implications pratiques des travaux réalisés dans le cadre de cette thèse y sont présentées. Ce chapitre souligne également les limites des études et propose différentes pistes de recherches futures. Une brève conclusion est finalement présentée.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : dispositifs de conciliation travail-vie personnelle, conséquences de carrière, contrôle organisationnel, théorie de l’autodétermination