L’immigration et l’accès à la citoyenneté de conjoints « étrangers » en France : Synthèse historique 1800-2018 et enjeux contemporains des politiques d’immigration en France

Guerry, Linda; Odasso, Laura et Ricardo Sardinas, Rainer Adelio (2020). L’immigration et l’accès à la citoyenneté de conjoints « étrangers » en France : Synthèse historique 1800-2018 et enjeux contemporains des politiques d’immigration en France. Université du Québec à Montréal, France- Montréal.

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Résumé

C’est au XIXe siècle que la France devient la destination européenne de prédilection pour de nombreux migrants. À partir de la fin du siècle, l’immigration est surtout ouvrière et répond à un besoin de main-d’œuvre. Tandis que la société est touchée par la première grande crise économique mondiale à partir des années 1880 et qu’elle connaît de nombreuses transformations, l’immigration devient une thématique sujette au débat public et un enjeu électoral. Sont alors mises en place les premières mesures juridiques relatives aux séjours des « étrangers » (terme générique longtemps utilisé dans la politique et/ou la législation française pour renvoyer aux non-ressortissants français) en vue de conformer ces derniers à la « protection du marché du travail ». À partir de la Première Guerre mondiale, une politique de recrutement de main-d’œuvre coloniale et étrangère entre en vigueur et la politique d’identification des « étrangers » se voit consolidée afin de contrôler leurs déplacements et leurs positionnements sur le marché du travail. Les décennies qui suivent la guerre se caractérisent par une vague importante d’immigration venant satisfaire aux besoins de main-d’œuvre et par une politique fluctuante en raison du caractère instable de la situation économique et du contexte politique national et international. Dès les années 1920, l’immigration de famille est largement souhaitée pour pallier la baisse démographique française, mais aussi puisqu’elle est perçue comme un élément de stabilisation de la main-d’œuvre. L’immigration de femmes étrangères répond également à des besoins en main-d’œuvre féminine dans certains secteurs. Les premières procédures de regroupement familial sont mises en place au cours de cette période. Pendant la crise des années 1930, l’immigration se tarit et la législation à l’égard des « étrangers » est durcie (conditions d’entrée et de séjour, limitation de l’emploi de la main-d’œuvre étrangère sur le marché du travail). À partir de 1938, des décrets-lois renforcent les mesures répressives à l’égard des « étrangers » et des mesures d’internement se généralisent, dans un contexte où des formes de xénophobie et d’antisémitisme sont manifestes et répandues. L’acquisition automatique de la nationalité par le mariage (pour les épouses) est remise en question et cette voie d’acquisition de la nationalité française se voit restreinte. Suite à la défaite de la France en 1940, le gouvernement de Vichy s’installe et adopte des mesures contre les naturalisés (dénaturalisations), les réfugiés (travail forcé) et les individus « regardés comme juifs » (terme juridique choisi). Au lendemain de la guerre, les ordonnances de 1945 fixent le nouveau droit de la nationalité et réglementent les droits d’entrée et de séjour des travailleurs « étrangers » pour répondre au besoin de main-d’œuvre. Le principe de l’immigration familiale est confirmé dans un décret (24 décembre 1945) et une procédure de « famille rejoignante » est instituée. Les restrictions de l’immigration familiale, lesquelles sont différentes selon le pays d’origine des immigrants, sont renforcées à partir des années 1970. Le Code de la nationalité est quant à lui remanié en 1973, notamment en ce qui concerne l’acquisition de la nationalité par mariage. À partir du milieu des années 1970, des mesures répressives sont adoptées envers les immigrants, ceux-ci étant accusés d’être responsables de la crise économique. L’application de ces mesures est de courte durée : elle cesse d’être effective dès l’arrivée au pouvoir du candidat du parti socialiste, en 1981. À partir des années 1980, les discours sur l’immigration s’ethnicisent, dans un contexte économique de plus en plus difficile. Les thèmes de l’extrême droite, laquelle rend les immigrants responsables des problèmes de la France, circulent dans les discours de tous les courants politiques et des médias. Les gouvernements qui se succèdent adoptent régulièrement des politiques répressives envers les « étrangers en situation irrégulière ». Elles sont aussi restrictives quant aux conditions d’entrée et d’accueil des « étrangers ». Le droit de la nationalité est aussi couramment modifié, surtout en ce qui concerne l’acquisition de la nationalité française par les enfants d’« étrangers » et les conjointes et conjoints de Français. Les ordonnances de 1945 sont modifiées à maintes reprises ; puis, en mars 2005, entre en vigueur le Code de l’entrée et du séjour des « étrangers » et des demandeurs d’asile (CESEDA), lequel regroupe toutes les dispositions législatives et réglementaires relatives au droit des « étrangers ». Le thème des mariages de complaisance, qui était déjà présent en filigrane dans les politiques migratoires familiales préalables, éclate et acquiert une nouvelle visibilité à partir du début des années 2000. Le mariage binational et sa gestion font alors l’objet de certains articles législatifs, de circulaires et d’une loi en 2006, ainsi que de pratiques administratives de mise en œuvre controversées. L’attention législative portée sur la famille migrante et binationale se transfère aussi aux couples de même sexe, à la reconnaissance des enfants (par des conditions sur les droits qui découlent de la paternité et de la maternité) et aux regroupements familiaux ayant soumis des demandes dans le cadre de l’asile ou de la protection internationale. Dès 2015, l’afflux important des demandeurs d’asile vers l’Europe et les difficultés d’harmoniser concrètement cette question à l’échelle européenne détournent l’attention de la gestion ordinaire de la migration, et donc aussi de la migration familiale. Toutefois, les dispositions existantes, « l’infradroit » et les pratiques locales désormais ancrées dans les administrations de l’immigration continuent à gouverner de manière restrictive l’accès à la nationalité via le droit à la vie familiale.

Type: Rapport de recherche
Mots-clés ou Sujets: Immigration, citoyenneté, France, Processus migratoires, Réunification familiale, Économie morale de la gestion de la migration, Famille
Unité d'appartenance: Faculté de science politique et de droit > Département de science politique
Déposé par: Anne-Marie D'Aoust
Date de dépôt: 17 févr. 2021 14:49
Dernière modification: 02 juin 2021 08:51
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/14057

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