La reconnaissance : un enjeu pour la sortie de la rue des jeunes à Montréal

Colombo, Annamaria (2008). « La reconnaissance : un enjeu pour la sortie de la rue des jeunes à Montréal » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en études urbaines.

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Résumé

Le but de cette thèse est d'expliquer le rôle que joue la reconnaissance dans le processus de sortie de la rue des jeunes à Montréal. En d'autres termes, est-ce que le fait que le jeune de la rue se sente reconnu ou non par des acteurs significatifs favorise ou fait obstacle à sa sortie de la rue? À part une recherche portant sur les sorties de la rue des jeunes au Canada et notre propre recherche de maîtrise, il n'existe aucune recherche abordant spécifiquement le processus de sortie de la rue des jeunes à Montréal. Cette recherche s'intéresse spécifiquement au processus de repositionnement identitaire qui s'opère lors de la sortie de la rue. Au cours de ce processus, l'individu compose avec des manifestations de reconnaissance suffisante, partielle ou négative de la part de personnes et d'institutions significatives, afin de s'approprier une position identitaire différente que celle de jeune de la rue. Cette reconnaissance peut être d'ordre affectif, social et/ou juridique. Elle peut venir des parents, des amis de rue, de voisins, d'un sugar daddy, du marché de l'emploi, de l'école, des intervenants, du fait de devenir parent, etc. À partir d'une approche interactionniste, complétée par des apports de la psychanalyse, nous avons poursuivi et complexifié des liens théoriques effectués par certains auteurs qui ont montré qu'un processus identitaire est à l'oeuvre dans l'appropriation de la rue. Nous proposons de considérer la sortie de la rue comme un processus paradoxal de repositionnement identitaire, concept qui permet d'interpréter ce phénomène en termes de processus dynamique et complexe et de mettre l'accent sur la dimension interactive des dynamiques identitaires qui le caractérise. Le concept de reconnaissance permet de rendre compte de l'articulation des différents niveaux d'interaction à travers lesquels ce repositionnement s'opère. En effet, grâce à la reconnaissance l'individu peut stabiliser la position identitaire à laquelle il s'identifie, qu'il s'approprie et négocie en interaction avec autrui. Ces enjeux de reconnaissance s'ancrent dans des contextes relationnels concrets. Ces contextes relationnels varient selon la forme de reconnaissance en jeu (affective, sociale, juridique) et les acteurs ou institutions impliqués. En outre, ils s'inscrivent dans une trajectoire subjective qui permet de rendre compte du sens qu'ils revêtent aux yeux du sujet. Privilégiant le point de vue des jeunes qui sont sortis de la rue, nous avons mené vingt-quatre entrevues individuelles visant à identifier les conditions de reconnaissance qui permettent le repositionnement identitaire amenant le sujet-acteur à sortir de la rue. Ces entrevues ont fait l'objet d'une analyse de contenu approfondie, dont les résultats ont été soumis pour validation aux répondants lors de deux focus-groupes. L'analyse détaillée des dynamiques de reconnaissance a permis de dégager une cohérence symbolique des trajectoires de repositionnement identitaire, sans pour autant évacuer la complexité et les paradoxes des contextes relationnels au sein desquels ce processus s'opère. En effet, les résultats de la recherche montrent que le choix de voies spécifiques de sortie de la rue est à mettre en relation avec un imaginaire de normalité, qui se manifeste de façon différente selon les attentes de reconnaissance des répondants. Ces attentes de reconnaissance sont à mettre en relation avec des modes de relation spécifiques à soi et aux autres, qui trouvent leur genèse dans les formes de relation parentale vécues durant l'enfance. En d'autres termes, la prise en compte de la forme de relation parentale vécue durant l'enfance permet d'expliquer les modes de relation spécifiques à la rue et à la sortie de la rue développés par ces jeunes. Cette transmission normative d'origine structure le processus identitaire à l'oeuvre dans l'appropriation de la rue et la sortie de la rue, mais elle fait aussi l'objet d'une réappropriation de la part du sujet-acteur. Nous avons identifié trois formes de relation parentale vécues par les répondants: une forme de relation parentale de rejet (qui se manifeste sous forme de négation ou de contrôle), d'abandon et d'incohérence. À partir de ce vécu infantile, il a été possible de dégager des attentes de reconnaissance prépondérantes chez les répondants: être accepté, être aimé, donner un sens à son identité éclatée. Selon ces attentes de reconnaissance, des modes spécifiques de relation aux autres et aux lieux ont été développés: affirmation de soi/négation de soi, indépendance/dépendance, liberté/captivité. Ces modes de relation ont caractérisé le rapport à la rue des répondants et les ont amenés à investir certains contextes relationnels plutôt que d'autres et à les investir de façon différente. Ces différents modes de relation se traduisent aussi à travers différentes représentations de la sortie de la rue et, par conséquent, de la nouvelle position identitaire qui pourrait actualiser cette sortie. En effet, l'analyse de l'attractivité des lieux pour ces jeunes a révélé des transformations dans leur positionnement identitaire. Malgré leur diversité, leurs différentes représentations de la sortie de la rue s'articulent toutes autour d'un imaginaire de normalité. Cet imaginaire de normalité est sollicité par les répondants pour expliquer la voie qu'ils ont choisie pour sortir de la rue, c'est-à-dire les contextes relationnels et les perspectives de repositionnement identitaire qu'ils ont valorisés. En d'autres termes, sortir de la rue, pour eux, c'est correspondre à la représentation qu'ils se font de la normalité. Néanmoins, la définition donnée à cette normalité varie selon leur vécu infantile. Pour ceux qui ont vécu des relations parentales marquées par le rejet, l'imaginaire de normalité s'exprime en termes d'« être comme les autres » ou « être comme il faut », position qui leur permet d'être acceptés aussi bien sur le plan affectif que social et/ou juridique. Pour ceux qui ont vécu des relations parentales plutôt marquées par l'abandon, cet imaginaire de normalité s'exprime davantage en termes d'autonomie, puisque pour ces individus, il s'agit de réussir à prendre en charge leur (sur)vie sans l'aide des adultes. Enfin, pour ceux qui ont vécu plutôt de l'incohérence, c'est la réussite (scolaire, professionnelle, familiale) qui est garante de l'appropriation d'une position identitaire inscrite dans la normalité, celle-ci leur permettant d'attribuer un sens plus cohérent à leur existence. Précisons que toutes ces représentations de la sortie peuvent se retrouver chez l'ensemble des répondants, mais, selon leur vécu infantile, ils ont tendance à les exprimer dans un registre prépondérant par rapport aux autres. Bref, c'est en s'appropriant des manifestations de reconnaissance leur permettant de construire un rapport positif à eux -les manifestations de reconnaissance et leur perception de celles-ci se modifiant elles aussi au fur et à mesure qu'ils effectuaient leur repositionnement -que les répondants ont construit leur processus de sortie de la rue, en fonction de la représentation qu'ils en ont élaborée. Ces résultats indiquent, d'une part, la nécessité de comprendre la sortie de la rue comme un processus paradoxal qui s'inscrit dans une trajectoire subjective, plutôt que comme une suite de comportements isolés. Par ailleurs, ils confirment la nécessité de maintenir des liens entre la marge et le centre. En effet, si nos résultats montrent que l'appropriation de la marge ne serait pas si opposée qu'on pourrait le croire à un désir de normalité, ils indiquent aussi que les efforts de plusieurs jeunes pour s'en sortir demeurent précaires. Dans ce contexte, nos résultats laissent penser que les politiques urbaines actuelles de gestion de l'espace ne reconnaissent pas l'occupation de l'espace par les jeunes de la rue et que cette non-reconnaissance fragiliserait leur processus de sortie de la rue, plutôt que de contribuer à sa réussite. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Jeunes de la rue, Sortie de la rue, Reconnaissance, Normalité, Imaginaire social, Identité, Position identitaire, Repositionnement identitaire, Appropriation, Relations parentales, Jeunesse, Marginalité.

Type: Thèse ou essai doctoral accepté
Informations complémentaires: La thèse a été numérisée telle que transmise par l'auteur.
Directeur de thèse: Parazelli, Michel
Mots-clés ou Sujets: Identité (Psychologie), Jeune de la rue, Marginalité sociale, Reconnaissance sociale, Réinsertion sociale, Relation parent-enfant, Montréal (Québec)
Unité d'appartenance: École des sciences de la gestion > Département d'études urbaines et touristiques
Déposé par: RB Service des bibliothèques
Date de dépôt: 12 nov. 2008
Dernière modification: 01 nov. 2014 02:06
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/1273

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