Pistono Payette, Diane
(1975).
« La problématique du bonheur dans la philosophie pratique de Kant » Mémoire.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Maîtrise en philosophie.
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Résumé
La pensée de Kant sur le bonheur ne nous a pas été livrée de façon systématique. Il faut la glaner à partir de ce que Kant a affirmé au sujet de la moralité dont tout eudémonisme doit être exclu. Si la possibilité du bonheur comme concept est solidement établie par l'usage, l'origine empirique de ce concept forme le point de départ d'une problématique. Ainsi, l'idéal du bonheur résulte d'une synthèse opérée par l'imagination à partir des diverses expériences vécues par le sujet et totalisées en un maximum. Cette synthèse de l'imagination est ensuite ramenée analytiquement à un concept par l'entendement qui en fournit une connaissance. Celle-ci s'achève dans la raison qui énonce les lois pragmatiques de notre conduite relativement à une fin qu'elle n'ordonne cependant pas elle-même; la raison est alors au service du bonheur. Les lois qu'elle prescrit ne peuvent être que des conseils de prudence à l'usage de chacun. Le bonheur est impropre à fonder une loi universelle et nécessaire; il est au contraire, une source de conflits entre les hommes. Par ailleurs, en tant qu'événement selon le système de la nature (en dehors de nous comme en nous) le bonheur s'avère tout aussi problématique. On peut certainement affirmer que le bonheur est un effet de la nature puisque celle-ci constitue la matière du bonheur comme fin visée par l'homme; le bonheur est la conscience d'éprouver du plaisir à la satisfaction de nos inclinations naturelles en tant que celles-ci témoignent de nos besoins. Par contre, il faut aussi admettre que le bonheur ne se produit pas selon la causalité de la nature, car celle-ci est indifférente au bonheur de l'homme dont les dispositions naturelles manifestent une certaine incohérence en ce qui concerne le désir d'être heureux. Mais le bonheur est engagé dans une dialectique naturelle avec la moralité; en effet, celui-ci s'oppose à la moralité qui impose une limite à sa prétention. Bonheur et moralité doivent être distingués quant à leur origine d'abord; tandis que les lois pragmatiques de notre conduite sont fournies par une raison empiriquement conditionnée, la loi morale est la conscience a priori du pouvoir législateur de la raison et de son besoin d'unité. Bonheur et moralité doivent ensuite être opposés quant à leur forme c'est-à-dire quant à la manière de les penser selon les catégories de l'entendement. La loi morale se présente alors comme une solution possible au problème de la diversité des désirs de bonheur étant donné qu'elle ordonne la restriction des tendances subjectives. Il faut en outre établir un parallèle entre les différents mobiles que chacun de ces principes soumet à la volonté. Tandis que le plaisir de jouissance précède la détermination de la volonté, le contentement moral est un sentiment négatif qui suit la détermination de celle-ci. La moralité ne constitue cependant pas le souverain bien, car pour être le bien entier et complet, il faut absolument que celle-ci soit unie réellement au bonheur, d'après la loi de la causalité. Or, dans le monde, le bonheur ne résulte pas nécessairement de l'accomplissement du devoir; il est un effet contingent du hasard. Mais dans l'idée de la raison pure, le bonheur est inséparablement lié à la moralité; autrement, le fait moral serait une absurdité. La moralité demeure cependant la condition de tout bonheur. Sous l'autorité de la loi morale, l'amour de soi devient raisonnable; au lieu d'être considéré comme un moyen pour mon bonheur, autrui doit être une fin en soi. Afin de rendre possible l'union nécessaire du bonheur et de la moralité, la raison pratique postule l'idée d'un auteur moral du monde qui est l'idéal du souverain bien originaire. En effet, la raison doit admettre les conditions qui rendent possible la réalisation de l'objet même de la loi morale. La réalité du concept de Dieu comme étant l'idéal du souverain bien est donc posée par le libre choix de chacun. La liberté devient ainsi la condition de possibilité réelle d'un bonheur que nous nommons félicité et dont l'avènement progressif exige la collaboration de toutes les libertés individuelles.