Adam-Vézina, Élodie
(2017).
« De Freud au Père Mailloux : transmission, paradoxes et institutionnalisation : une histoire des origines de la psychanalyse au Québec » Thèse.
Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en psychologie.
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Résumé
Le présent essai doctoral est un essai théorique s'inscrivant dans le courant de l'herméneutique historique et ayant pour objet les origines de la psychanalyse au Québec. L'essai porte plus spécifiquement sur le lien envisageable entre les conditions d'émergence de cette discipline à Montréal et les caractéristiques de son développement, et s'appuie sur l'interprétation d'un corpus bibliographique constitué de discours et de témoignages sur l'implantation de la psychanalyse, le contexte de la Révolution tranquille dans laquelle elle s'est faite ainsi que les aléas du processus d'institutionnalisation de la discipline psychanalytique. Si les réflexions sur les débuts de la psychanalyse au Québec et son institutionnalisation sont relativement nombreuses, elles résident soit dans des récits personnels d'analystes, soit dans des documents des différentes Sociétés témoignant de l'histoire de la psychanalyse sous l'angle exclusif de son institutionnalisation. Or non seulement l'histoire de la psychanalyse n'est pas réductible à l'histoire de ses institutions mais la création de ces dernières s'origine de l'exclusion de ceux ayant introduit la psychanalyse au Québec, ce qui justifie un travail sur son émergence au Canada qui ne se résume pas à la dimension institutionnelle et qui prenne en compte le contexte idéologique et politique dans lequel les idées psychanalytiques ont commencé à être transmises. Trois points de vue ont donc été considérés dans l'analyse du corpus : les conditions de possibilité culturelle de la psychanalyse au Québec (point de vue macro : transmission culturelle); les débuts de l'institution psychanalytique québécoise (niveau mezzo : transmission institutionnelle), incluant les paradoxes au cœur du processus d'institutionnalisation ainsi que de l'institution elle-même en tant que vecteur de transmission psychanalytique; et le rapport des analystes de première génération à la psychanalyse (le désir de devenir analyste, l'analyse personnelle) et aux figures de fondation comme Mailloux et Freud (niveau micro : transmission intrapsychique). Ainsi, à la lumière de l'analyse du contexte d'émergence sociopolitique et idéologique de la psychanalyse au Québec, de la constitution d'un milieu psychanalytique à Montréal et des aléas de son institutionnalisation, peut-on relever chez les analystes québécois de première génération certaines caractéristiques quant à leur rapport à la psychanalyse et à sa transmission? Autrement dit, la psychanalyse telle qu'elle a été pensée et pratiquée au Québec à ses débuts a-t-elle été teintée par le « déplacement » qui l'a vu naître ici? Il appert que les caractéristiques de la Révolution tranquille ont non seulement constitué des conditions de possibilité culturelle pour la psychanalyse mais ont façonné les premiers moments de transmission de cette discipline. Les mouvements d'objectivation et de subjectivation sous-tendant l'entrée du Québec dans la modernité ont effectivement constitué des visas pour que les idées psychanalytiques puissent commencer à circuler, d'abord grâce à Noël Mailloux, en même temps que d'être notamment responsables de ce qui peut être considéré comme une édulcoration de la discipline par la main mise médicale. De plus, les changements qui se sont opérés durant la Révolution tranquille dans le rapport aux institutions semblent s'être également transposés dans le milieu psychanalytique, entre autres par la possibilité de lieux multiples de transmission à l'extérieur des sociétés officielles. Par ailleurs, en articulant la mise à l'écart de Mailloux à certains compromis effectués lors du processus d'institutionnalisation, évoquant eux-mêmes un passé colonial qui permet de rattacher le Québec aux cultures dites composites, il est possible de dégager un rapport à la transmission qui soit propre au Québec et qui s'appuie sur des influences diverses, un certain fantasme d'auto-engendrement et une filiation dispersée. Ceci s'illustre de manière particulièrement marquée dans le transfert qui opère au sein des séminaires continus, lieux de formation adoptés par la Société psychanalytique de Montréal et qui contribuent à la marginalité de cette institution par rapport à celles du reste du Canada. Quant à cette division qui semble avoir toujours existé entre les milieux psychanalytiques institutionnels anglophone et francophone, elle met au jour un double-paradoxe : elle constitue une reproduction de conflits historiques tout en servant de rempart contre des conflits ouverts et de réels débats, tant entre les sociétés qu'en leur sein; elle constitue un repli sur soi qui caractérise la genèse de la Société psychanalytique de Montréal au même titre que sa pluri-ouverture, favorisée par la multiplicité de lieux de formation des analystes québécois de première génération. L'histoire des origines de la psychanalyse au Canada, par l'intrication entre l'implantation de la psychanalyse à Montréal et l'entrée du Québec dans la modernité culturelle qui l'a permise, met donc au jour l'idée d'une double-maïeutique marquée par de nombreux paradoxes.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : psychanalyse, Québec, origines, histoire, transmission, institutions, institutionnalisation, filiation, modernité culturelle, Révolution tranquille, colonialisme