Remerciements : Cette étude a été rendue possible grâce à une subvention du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. Nous tenons à souligner la contribution de Mélanie Royer, Jonathan Leclerc et Chantal Fournier qui ont agi comme agents de recherche. Alice Ireland, Ph.D. a agi à titre de statisticienne. Nous voulons également remercier tous les élèves et les écoles participantes, sans lesquels cette recherche n’aurait pu être réalisée.
« Le désir de connaître (…) pousse le sujet à désirer savoir pour résoudre l’énigme que lui pose l’objet. Apprendre est le moyen qui se présente à lui et qu’il utilise dans la mesure où son besoin d’action se trouve ainsi finalisé et le conduit à chercher la solution du problème. Les objets extérieurs sont alors à apprendre par le sujet. »
Citation de Aumont et Mesnier (1992), cité par Blandin, Bernard (2002). La construction du social par les objets, Sociologie PUF, p. 55.
1Le jeu Asthme : 1, 2, 3… Respirez ! a été développé dans le cadre d’un projet financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (2008-2011). Ce jeu éducatif en ligne (web), en français, porte sur l’asthme et il a pour objectif d’intervenir sur les connaissances et les attitudes en matière de santé.
2Cet article traite de l’efficacité du jeu en ligne, Asthme : 1, 2, 3… Respirez !, de type Parchési, à modifier les attitudes reliées à l’asthme de 133 jeunes, âgés de 14 à 18 ans. Il discute a) de la problématique de l’asthme, b) du cadre conceptuel du jeu et des variables nécessaires pour générer un changement d’attitudes, c) de la méthodologie de recherche quasi expérimentale, de la population, des instruments et d) des résultats de recherche.
3L’asthme est un problème de santé courant au Canada qui touche à la fois les enfants et les adultes. Il impose un lourd fardeau financier aux systèmes de santé du pays, réduit la productivité et compromet sérieusement la qualité de vie des personnes atteintes et de leur famille. Selon Statistiques Canada (2009), plus de 2,3 millions de Canadiennes et de Canadiens souffrent d’asthme diagnostiqué par un médecin, soit 13,4 % des enfants et 8,4 % des adultes (sujets qui prennent un médicament contre l’asthme ou qui ont éprouvé des symptômes au cours des 12 mois précédents). L’asthme est associé à environ 500 décès par année dans l’ensemble de la population du Canada. Malheureusement, « la plupart de ces décès auraient pu être évités si les victimes en savaient davantage sur l’asthme et l’avaient pris en charge » (Canoë Santé, 2010, p. 1).
4Deux études pancanadiennes basées sur des analyses rétrospectives réalisées à partir de données anonymisées des personnes ayant demandé une consultation médicale (Blais et coll., 2001 ; Conseil de Médicament du Québec, 2003) montrent que plus de 50 % des personnes asthmatiques ne contrôlent pas adéquatement leur maladie. La gestion inadéquate de l’asthme est responsable d’un taux élevé de visites à l’urgence ou aux cabinets médicaux, d’hospitalisations et de consultations de spécialistes totalisant 61 % des coûts liés à cette maladie, les coûts sont évalués entre 504 et 648 millions de dollars. Ces études soulignent l’importance d’intervenir auprès de la population canadienne en proposant des programmes d’éducation à la santé adaptés aux besoins de la population et axés autant sur la prévention que sur la thérapie.
5D’autres études (Boulet et coll., 2004 ; Lemière et coll., 2004 ; Higgins, Wakefield et Cloutier, 2005 ; Saha, Riner et Liu, 2005 ; Osman et coll., 2007) démontrent qu’avec une meilleure compréhension de l’asthme et de son traitement, les patients souffrant de cette maladie ainsi que leur entourage peuvent améliorer la gestion et le contrôle de l’asthme. L’amélioration du traitement de l’asthme ainsi que de sa prévention est une priorité des organisations de santé comme le Conseil du Médicament du Québec et de l’Agence de santé du Canada. Il existe de nombreux programmes d’éducation à la santé visant à contrôler l’asthme. Par ailleurs, constatant l’absence de jeux éducatifs en ligne pour une population adolescente, des médecins de famille de la région de Québec ont contacté les auteurs pour développer conjointement un jeu éducatif en ligne, ajoutant ainsi une activité parmi d’autres au répertoire des programmes sur la gestion efficace de l’asthme. C’est dans ce contexte que nous avons créer un jeu éducatif sur l’asthme destiné aux jeunes de 14 à 18 ans : Asthme : 1,2, 3... Respirez !
6Plusieurs moyens éducatifs peuvent être utilisés pour sensibiliser les jeunes à une problématique de santé et changer leur attitude en la matière. Il peut s’agir d’un exposé en classe, d’une discussion en groupe, d’un jeu éducatif, d’un jeu numérique misant sur l’interactivité avec l’utilisateur. Renaud et Sauvé (1990 et 2011) démontrent que les moyens éducatifs novateurs, tels les jeux et les simulations, sont plus efficaces pour changer les attitudes que les techniques plus classiques, car ces moyens permettent un transfert de pouvoir à l’individu et lui procurent un sentiment de pouvoir sur lui-même et sur sa vie. Hornung et al. (2000) ont expérimenté diverses activités sur cédérom (vidéo, dessins animés) pour amener les élèves à adopter des attitudes préventives envers le cancer de la peau. Les résultats montrent que ces activités ont effectivement permis de développer des attitudes préventives.
7Plusieurs études montrent que les jeux éducatifs numériques (à partir d’un logiciel ou en ligne) sont efficaces pour le changement d’attitudes. Ainsi, Garris, Ahlers et Driskell (2002) décrivent les apprentissages de type affectif favorisés par le jeu : Le sentiment de confiance, l’efficacité en soi, les attitudes, les préférences et les dispositions. Bottino et al. (2007) notent, quant à eux, un changement d’attitudes chez les joueurs qui ont participé à des jeux (PappaLOTTO, Hexip, Studio 5 et Magic Bass) par rapport au groupe témoin : la participation aux jeux a affecté l’attitude globale envers les différents thèmes de santé. Tingstrom, Sterling-Turner et coll. (2006) ont réalisé une revue de littérature portant sur l’utilisation du jeu Good Behavior Game pour une période allant de 1969 à 2002. Ils affirment que les participants ont adopté, notamment, des attitudes qui font l’objet d’apprentissage dans ce jeu. Khazaal (2010) constate que le jeu Pick-klop créé dans le but de modifier les attitudes des fumeurs s’avère aussi efficace qu’une psychoéducation de même intensité auprès des jeunes adultes. Ainsi, l’intégration de contenus d’apprentissage dans les jeux peut entraîner des changements d’attitudes.
8La méta analyse de Bailey et al. (2009) sur l’efficacité de quinze interventions en ligne en matière de promotion de la santé sexuelle montre un effet majeur sur les connaissances et un léger effet sur les attitudes des participants, et ce, comparativement à une intervention face à face. Par ailleurs, certains auteurs se montrent prudents au sujet de l’efficacité de ce moyen pour l’apprentissage ou le changement d’attitudes en matière de santé (Rassin, Gutman et Silner, 2004 ; Barab et al., 2005 ; Baldaro et al., 2004).
9Tenant compte de ces résultats, il s’avère fondamental de mettre en place des études permettant de mesurer de façon rigoureuse l’efficacité du jeu en ligne à changer les attitudes. Ainsi, la présente étude avait pour but d’évaluer l’efficacité d’un jeu, conçu par des pédagogues et des médecins, pour aborder la question de l’asthme, tant auprès de ceux qui en sont atteints que des autres étudiants, en termes notamment de changement d’attitudes à l’égard de cette maladie. Elle tentera de répondre à la question suivante : quel type d’apprentissage, lié aux attitudes, les jeux éducatifs en ligne, et plus particulièrement le jeu Asthme : 1, 2, 3... Respirez !, favorisent-ils en matière de santé ?
10Afin de répondre à notre question générale de recherche, nous avons examiné les éléments d’un jeu éducatif en santé, ainsi que les théories qui traitent du changement d’attitudes en santé. Notons que la dimension des connaissances a été examinée dans un autre article (Sauvé, Kaufman et Renaud, 2011), intitulé Creating an educational on line game : asthma 1,2,3…breath ! to sensitize secondary school students to the problem of asthma.
11Notre recension des écrits sur l’efficacité des jeux éducatifs sur la santé s’est appuyée sur la définition suivante du jeu éducatif : une situation artificielle (fictive, fantaisiste) qui, tout en possédant le potentiel de favoriser des apprentissages, place un ou plusieurs joueurs, soit en position de conflit (lutte, confrontation) les uns par rapport aux autres ou tous ensemble (coopération) contre d’autres forces. Ces joueurs sont régis par des règles (procédure, contrôle et clôture) qui structurent leurs actions en vue d’un but déterminé, soit de gagner (gagnant contre perdant), d’être victorieux (contre le hasard, l’ordinateur, un ou plusieurs joueurs) ou de prendre leur revanche contre un adversaire (Sauvé, Renaud et Kaufman, 2010).
12Dans cette étude, nous nous intéressons particulièrement aux jeux éducatifs qui ont été créés à l’aide des langages de programmation Web. Ces jeux n’exigent aucun téléchargement et sont accessibles uniquement par l’Internet.
13Lieberman (1997) souligne l’importance de créer des jeux en matière de santé fondés sur les théories sociales cognitives et de respecter les principes de la promotion de la santé qui mettent l’individu en position de faire pour lui-même les choix les plus éclairés. En matière de santé, les changements d’attitudes sont des objectifs importants puisque les attitudes favorisent un apprentissage affectif. Ceci est d’autant plus important pour des problématiques liées à la gestion quotidienne des choix de vie. En effet, les attitudes interviennent dans la formation du contexte dans lequel le comportement se réalise.
14D’autre part, il importe de distinguer entre attitude et comportement. Une attitude est une orientation générale de la manière d’être d’un individu face à certains éléments du monde (Mucchielli, 2002, p. 19). Par exemple, une personne peut présenter une attitude méfiante envers une personne plus âgée qu’elle, mais une attitude de confiance face à un jeune de son âge. Il s’agit d’une disposition mentale explicative du comportement, mais qui ne constitue pas le comportement (Mucchielli, 2002 ; Renaud et Sauvé, 1990). Les attitudes comportent trois composantes majeures : une composante cognitive qui concerne les croyances et les préjugés d’un individu à propos d’un objet ou d’un sujet ; une composante affective qui renvoie au sentiment de rejet ou d’acceptation à l’égard d’un objet ou d’un sujet ; et une composante comportementale qui est la prédisposition d’un individu à agir quand l’objet ou le sujet de l’attitude lui est présenté (Caron-Bouchard et Renaud, 2001). Par exemple, croire qu’on est sensible aux poils de chat ; croire être mal vu si on demande d’enfermer le chat ; percevoir que la poussière constitue une menace pour soi. Le comportement, pour sa part, se définit comme un ensemble de réactions d’un individu qui sont observables objectivement (Larousse, 2004). Par exemple, ne pas pénétrer dans un lieu où se trouve un animal. Dans le cadre de cette étude, l’observation des jeunes dans leur contexte de vie n’était pas possible, faute de moyens financiers suffisants. La mesure de leur comportement a donc été délaissée au profit de celle de leur attitude, l’unique dimension examinée dans cet article.
15Différentes théories nous permettent de dégager les composantes à intégrer à un jeu éducatif afin que celui-ci puisse influencer les attitudes. La théorie du renforcement, la théorie de la dissonance ainsi que la théorie de l’inoculation (Petty, Cacioppo et Heesacker, 1981 ; Renaud et Sauvé, 1990) suggèrent que les activités d’apprentissage doivent permettre à l’apprenant de jouer (1) un rôle réel ou fictif qui lui permet (2) de se confronter à des positions similaires ou différentes de la sienne (3) en interaction avec ses pairs tout en ayant (4) une rétroaction qui lui permette de se réajuster au fur et à mesure de son apprentissage. Ces composantes se trouvent en grande partie dans le jeu de rôle, considéré comme une activité pouvant conduire à un changement d’attitudes (Chauvin, 2001 ; Renaud et Sauvé, 1990).
16Le jeu de rôle est une technique pédagogique issue de la méthode active permettant à la personne de découvrir en se mettant elle-même en scène, en jouant un rôle fictif ou réel (Chauvin, 2001). Dans cette étude, nous reprenons la définition de Chauvin (2001), à savoir que le jeu de rôle est un échange verbal ou écrit, au cours duquel un ou plusieurs individus comprennent comment et pourquoi ils agissent dans une situation donnée, réelle ou imaginaire, présente, passée ou future, par un jeu spontané à partir d’un canevas. Ainsi, les activités du jeu que nous expérimentons doivent offrir une grande marge de manœuvre à l’apprenant, favoriser tantôt l’improvisation, tantôt la défense d’une position similaire ou différente de la sienne, mettre en place les conditions qui permettent une interaction entre les joueurs, fournir à l’individu des pistes argumentaires et lui offrir une rétroaction afin que l’apprenant puisse réajuster sa position, s’il y a lieu.
17L’objet de notre expérimentation étant un jeu éducatif visant à changer les attitudes, il doit donc offrir des activités fondées sur les paramètres d’un jeu de rôle. En d’autres termes, les activités du jeu proposent à l’apprenant de jouer un rôle plus ou moins structuré selon le type de changement d’attitudes souhaité. Il est appelé à défendre une position similaire ou différente de la sienne. Certaines activités lui permettent de jouer ce rôle en équipe ou en compétition avec un autre joueur. Une fois l’improvisation achevée, les autres joueurs, à l’aide d’un corrigé, peuvent commenter la performance (rétroaction) de l’apprenant et lui accorder ou non des points.
18Cette étude vise de façon plus spécifique à examiner comment l’introduction des quatre éléments clés – improvisation, argumentation, confrontation dans l’interaction et rétroaction – dans le jeu sont efficaces pour changer les attitudes des jeunes de 14 à 18 ans en regard de l’asthme.
19Le jeu Asthme : 1, 2, 3... Respirez ! a été conçu à l’aide de la coquille générique de jeu de société Parchési (Figure 1). Deux modalités de jeu sont possibles : en monoposte et en multipostes. Par définition, l`environnement de jeu monoposte ne nécessite qu’un seul ordinateur. Il permet cependant à plusieurs personnes de jouer ensemble en se remplaçant au clavier. Quant à l’environnement de jeu multipostes, il est utilisé lorsque les participants désirent jouer à distance. Ils utilisent chacun leur poste de travail et peuvent communiquer entre eux à l’aide d’un outil de vidéoconférence Web intégré au jeu.
Figure 1 : planche de jeu
20Le contenu du jeu a été développé par des pédagogues et éducateurs à la santé en collaboration avec des médecins. Une validation du jeu a été réalisée auprès d’utilisateurs potentiels (n = 40). La méthode Learner Verification and Revision (L.V.R.) a été privilégiée (Komoski, 1984). Cette validation a permis de déterminer le degré d’appréciation des élèves quant au design du jeu (13 énoncés), à sa lisibilité (4 énoncés) et à sa convivialité (6 énoncés). Une question ouverte a permis de recueillir les réflexions ou suggestions des élèves sur les trois aspects étudiés. Cette validation est largement décrite dans l’article de Sauvé, Kaufman et Renaud (2011), intitulé Creating an educational on line game : Asthma 1,2,3…breath ! to sensitize secondary school students to the problem of asthma.
21Cent sept (107) questions ont été intégrées au jeu Asthme : 1, 2, 3... Respirez ! Elles ont été réparties en quatre catégories d’activités, soit :
-
asthme et prévention (23 questions),
-
contrôle de l’asthme (24 questions),
-
facteurs déclenchants (22 questions),
-
asthme et allergies (21 questions).
22Dix-sept (17) activités liées aux attitudes ont été incluses dans le contenu du jeu, sous forme de questions ouvertes à réponse narrative ou de questions demandant une performance. De plus, quatorze (14) activités du jeu présentent des scénarios imprécis mais délimités d’une situation donnée, par exemple : « Un de tes bons amis pense que l’asthme, ça concerne les enfants, pis c’est héréditaire ! Alors, ça ne nous touche plus ! Peux-tu lui apporter au moins 2 arguments pour faire évoluer son point de vue ?». Il inclut également trois (3) activités d’apprentissage de type modeling qui consiste pour un élève à observer un modèle ou un exemple qu’il doit imiter pour acquérir le comportement désiré. Ce modèle explique au participant en termes concrets ce qu’il doit faire exactement, c’est-à-dire quels sont les comportements attendus de lui et comment les acquérir. Dans le jeu, certaines activités d’apprentissage offrent des démonstrations précises (correctes ou incorrectes) ; par exemple : « Contrairement à Maxime, Samuel contrôle bien son asthme, ce qui lui permet de mener une vie normale et de faire toutes les activités qu’il veut. À partir de la vidéo, explique aux autres joueurs ce que fait Samuel pour bien contrôler son asthme ». Chaque bonne performance entraîne un renforcement positif et, pour chaque erreur, une rétroaction explicative est affichée pour aider le joueur à mieux « performer » la prochaine fois. Il est à noter que les questions de type affectif ne s’affichent pas en mode monoposte puisque ces questions impliquent des échanges verbaux entre les joueurs et un système de vote.
23La question spécifique est : le jeu en ligne Asthme : 1,2,3... Respirez ! favorise-t-il le changement sur le plan des attitudes envers l’asthme chez les jeunes ? Notre hypothèse est la suivante : les attitudes des jeunes à l’égard de l’asthme présenteront une différence après avoir joué aux diverses activités contenues dans le jeu Asthme : 1,2,3... Respirez !
24Nous avons expérimenté le jeu éducatif en ligne auprès d’élèves du secondaire afin de cerner l’efficacité de ce jeu pour le changement d’attitudes. Un protocole quasi expérimental de type pré et post test simple groupe a été mis en place. Quelque 133 élèves ont été échantillonnés par grappe en raison de la difficulté à expérimenter dans les écoles. Ainsi les participants ont été invités à prendre part à l’expérimentation en fonction de leur groupe classe au sein d’une école. Les écoles choisies représentent un échantillon de convenance. Le choix des provinces, le Québec et la Colombie Britannique, est dicté par la subvention de recherche liant des chercheurs de ces deux provinces.
25Au total, 73 élèves du Québec, soit 54,8 % de l’échantillon total, et 60 élèves de Colombie-Britannique, soit 45,2 % de l’échantillon, ont participé à l’expérimentation avec le jeu en ligne. Des 133 participants, 46,6 % sont de sexe masculin et 53,4 % de sexe féminin. Du point de vue de l’âge, 24,1 % ont 14 ans, 36,1 % ont 15 ans, 20,3 % ont 16 ans, 17,3 % ont 17 ans, 2,3 % ont 18 ans. Ils sont 45,1 % à fréquenter le secondaire III/9ème année, 30,1 % à être en secondaire IV/10ème année, et enfin, 24,8 % en secondaire V/11ème année.
26Une fois les instruments de mesure mis à l’essai auprès d’un échantillon restreint de la population cible (17 élèves), ils ont été administrés à différents moments de l’expérimentation de février à avril 2010, soit pour le prétest, réalisé une semaine avant l’expérimentation, et pour le post test, effectué deux semaines après avoir joué au jeu en ligne. Les élèves ont été amenés à remplir la Fiche d’inscription (sexe, âge, année de fréquentation scolaire), le Questionnaire d’attitudes sur l’asthme pour établir leurs attitudes préalables envers l’asthme et le Questionnaire post expérimentation sur les attitudes des sujets par rapport à l’asthme pour identifier les apprentissages réalisés à l’aide du jeu en ligne.
27Pour répondre à l’objectif spécifique de cet article, soit de mesurer le degré de changement d’attitudes envers l’asthme favorisé par un jeu éducatif en ligne, nous avons utilisé 31 indicateurs de changement d’attitudes (tableau 1) liés à trois composantes majeures explicatives de la mise en mouvement intérieure de l’individu. La première est la prédisposition à agir, déterminée par la perception générale de l’asthme – maladie inflammatoire chronique des bronches – par l’individu, la perception de l’individu quant à sa propre santé, sa perception de sa propre vulnérabilité et de celle de ses proches par rapport à l’asthme, la perception de l’individu de la gravité et des dangers que peut représenter un asthme mal contrôlé et la perception de contrôle qu’a l’individu vis-à-vis de la réduction des risques et de l’élimination des facteurs déclenchants présents dans l’environnement. La deuxième composante est constituée par les habitudes personnelles de l’individu en matière de santé et de prévention de l’asthme. Enfin, la troisième composante est la perception de solutions accessibles et pratiques, qui se concrétise par l’estimation des gains personnels pouvant être retirés de certaines actions et l’évaluation de l’envergure des obstacles à l’action ou du coût de celle-ci. Le tableau 1 présente les énoncés qui ont été formulés pour chaque indicateur.
Tableau 1 : Items et indicateurs d’analyse en termes d’attitudes. (L’alpha de Cronbach est indiqué sous les indicateurs entre parenthèses.)
28Les données quantitatives ont été traitées et des analyses statistiques ont été exécutées à l’aide du logiciel SPSS (Statistical Package for Social Sciences). Un prétest de l’instrument de l’échelle de Likert auprès de 17 participants nous a permis de constater la consistance interne des items. Ajzen (2006), ainsi que Gagné et Godin (1999) proposent comme mesure de fidélité d’effectuer des alphas de Cronbach pour évaluer la cohérence interne des construits. Un alpha de Cronbach a été appliqué pour déterminer le caractère unidimensionnel des items. Gagné et Godin (1999) suggèrent que les alphas de Cronbach doivent atteindre au moins 0,50 pour confirmer le caractère unidimensionnel des construits. Nous indiquons au tableau 1 les alphas de Cronbach obtenus.
29Les données quantitatives ont été traitées à l’aide de différentes techniques d’analyse descriptive (fréquence, moyenne, pourcentage). L’analyse des données provenant de l’échelle de Likert a été réalisée de la façon suivante. Le calcul de la moyenne des données de l’échelle ordinale (Likert) a été effectué en la considérant comme une échelle métrique, c’est-à-dire que nous supposons les écarts constants entre les différentes modalités. Par conséquent, les variables quantitatives ont été appliquées en attribuant un nombre arbitraire à chaque réponse (par exemple, 1 pour un désaccord total et 5 pour tout à fait d’accord). Nous obtenons une note moyenne (Promotion Santé Suisse, 2009). Nous avons effectué un test de t pairé sur chaque indicateur afin de vérifier que le changement dans la moyenne des items était significatif.
30Un formulaire de consentement a été signé par tous les participants. Dans le cas des élèves, la signature des parents ou des tuteurs a été obtenue. Le formulaire de consentement comportait quatre parties : l’identification des membres de l’équipe, une brève description du projet de recherche, le déroulement de l’expérience avec toutes les étapes des divers tests et une section sur les principes éthiques de confidentialité des données n’offrant pas la possibilité de retracer le sujet d’aucune manière. De plus, la Télé-Université avait obtenu un certificat d’éthique pour cette étude multi-terrains.
31Nous relatons les résultats les plus percutants de l’étude. De façon générale (tableau 2), le jeu permet un changement dans la moyenne des attitudes pour l’ensemble des indicateurs (pré = 3,45, post = 3,61, statistiquement significatif p < 0,001, sur la base d’un test de t pairé 4,135), plus particulièrement, en ce qui a trait à la prédisposition à agir. La prédisposition à agir est l’un des déterminants qui entre en jeu dans la décision d’agir et de changer son attitude. Le tableau 3 indique un changement significatif d’attitudes à l’égard de diverses perceptions : la perception de sa propre santé ; la perception de la gravité et des dangers que peut représenter un asthme mal contrôlé ; la perception de contrôle vis-à-vis de la réduction des risques et l’élimination des facteurs déclenchants présents dans l’environnement.
Tableau 2 : test de t pairé sur les attitudes en pré et post tests.
32Que se passe-t-il dans les trois sous-échelles d’attitudes qui sont statistiquement significatives ? Examinant la perception de leur propre santé (tableau 3), le jeu aurait permis aux participants d’être moins naïfs et plus sincères en regard de leur propre santé. La perception envers sa propre santé est définie par deux éléments également significatifs : l’individu est capable de suivre les recommandations médicales, si cela lui permet de faire ses activités habituelles, d’une part, et d’autre part, il est capable d’identifier les éléments qui aggravent son asthme. Ainsi, le jeu a permis aux joueurs de développer l’efficacité de leur action et la possibilité de le réaliser dans leur quotidien. De même, le jeu permet de cerner les menaces qui augmentent leur asthme.
33La perception de la gravité et des dangers que peut représenter un asthme mal contrôlé est définie par deux variables qui s’avèrent statistiquement significatives (tableau 3) : le joueur croit que l’asthme peut rendre une personne très malade, surtout si cette maladie n’est pas bien contrôlée, il connaît les conséquences possibles d’une crise d’asthme. Ainsi, le jeu a permis à l’individu, d’une part, de se considérer comme potentiellement vulnérable à l’asthme et pouvant devenir malade si cette maladie n’est pas bien contrôlée, et d’autre part, de percevoir l’apparition éventuelle d’un état désagréable, ou même dangereux, et pouvant entraîner des conséquences sévères sur certains aspects de sa vie.
Tableau 3 : Les sous échelles les plus significatives et leurs items.
34Quant à la perception de contrôle vis-à-vis de la réduction des risques et de l’élimination des facteurs déclenchants présents dans l’environnement, le tableau 3 indique que cette sous-échelle est composée de trois éléments qui la précisent : le jeu permet une connaissance de l’asthme qui rend le joueur plus vigilant par rapport aux allergènes et qui le conscientise à l’identification et à l’élimination des facteurs environnementaux pouvant déclencher les symptômes des personnes asthmatiques, à la maison, à l’école ou au travail. Enfin, le jeu permet de croire en sa capacité à se séparer de son animal si sa présence nuisait à sa santé ou à celle d’un membre de sa famille.
35En résumé, le jeu favorise une amélioration des attitudes envers l’asthme surtout dans sa composante « prédisposition à agir », c’est-à-dire qu’un individu devrait prendre la décision de faire attention à son asthme ou à celui d’un membre de son entourage sur une base régulière s’il réalise que cela affecte la perception de sa santé et qu’il se sent capable de composer avec les recommandations médicales et de les intégrer dans son quotidien. Il fera attention si l’asthme représente une menace à sa santé et s’il peut se sentir vulnérable. Enfin, il croit sincèrement qu’il a un certain pouvoir de modifier l’environnement pour éliminer l’asthme.
36Asthme : 1, 2, 3... Respirez ! est un jeu éducatif créé par des médecins de famille, des pédagogues, des spécialistes des jeux en ligne et des chercheurs. Dans le but d’améliorer les attitudes des participants à l’égard de la prévention de l’asthme, le jeu utilise des activités proposant à l’apprenant 1- de jouer un rôle plus ou moins structuré, 2- de défendre une position similaire ou différente de la sienne, 3- de jouer ce rôle en équipe ou en compétition avec un autre joueur, 4- de commenter la performance (rétroaction) des autres joueurs, une fois l’improvisation achevée. Ces quatre éléments clés du jeu (improvisation, argumentation, confrontation dans l’interaction et rétroaction), proposés par les théories du renforcement, de la dissonance et de l’inoculation (Petty, Cacioppo et Heesacker, 1981 ; Renaud et Sauvé, 1990), semblent efficaces, comme le montrent les résultats, pour le changement d’attitudes des jeunes de 14 à 18 ans en regard de l’asthme. Sur le plan de l’apprentissage affectif, le jeu intégrant ces quatre éléments permettrait de modifier les attitudes vis-à-vis de la prévention de l’asthme.
37La prévention de l’asthme est un défi de taille en santé publique. Comment rejoindre les jeunes et au moyen de quelle stratégie ? Notre recherche s’est déroulée en milieu scolaire et elle utilisait un jeu éducatif en ligne comme stratégie pour générer un changement d’attitudes. Cette stratégie s’avère efficace pour modifier les attitudes des jeunes à l’égard de l’asthme. Nos résultats vont dans le même sens que plusieurs études (Garris, Ahlers et Driskell, 2002 ; Tingstrom, Sterling-Turner et Wilczynski, 2006 ; Bottino et al., 2007 ; Khazaal, 2010). Nous notons une amélioration de la perception générale des jeunes à l’égard de l’asthme, une meilleure perception de la gravité de ses conséquences, un fort sentiment de contrôle, une perception de leur capacité à contrer les obstacles pour passer à l’action. Ainsi, les élèves ont développé des attitudes plus favorables à des actions en lien avec l’asthme, ils ont des attitudes positives envers l’élimination des éléments nocifs pour l’asthmatique.
38Par ailleurs, plusieurs items ne semblent pas avoir donné l’effet escompté, notamment ceux liés aux habitudes personnelles de prévention de l’asthme et ceux liés à la perception de solutions accessibles et pratiques. Ces résultats découlent-ils de notre instrument de mesure ? Selon Potter (2001), les variables d’attitudes envers la santé sont difficilement mesurables puisque leurs significations sont complexes et que cette complexité est résumée par des items transposés sur une échelle, calculée au final par une valeur numérique. L’élaboration de notre instrument repose sur le modèle de croyances relatives à la santé et met de l’avant trois composantes majeures explicatives des attitudes : (1) la prédisposition à agir, (2) les habitudes personnelles face à la prévention de l’asthme et (3) la perception de solutions accessibles et pratiques. Bien que notre instrument de mesure fasse l’objet d’une validité interne, y aurait-il eu certaines dimensions dont le construit aurait pu être plus adéquat et pertinent pour mesurer, identifier et clarifier les perceptions et attitudes des jeunes à l’égard de la prévention de l’asthme ?
39Un jeu interactif intégrant quatre éléments clés de l’apprentissage affectif (improvisation, argumentation, confrontation dans l’interaction et rétroaction) portant sur l’asthme et destiné aux élèves de 14 à 18 ans a généré des effets positifs en termes de changement d’attitudes à l’égard de la prévention de l’asthme. Ainsi, un jeu éducatif en ligne semble être un outil intéressant comme stratégie de santé publique pour prévenir et améliorer la gestion de l’asthme.
40Notre étude porte sur un nombre restreint d’écoles, et ce, dans deux provinces canadiennes. Il y aurait lieu d’élargir l’échantillon et d’examiner l’effet de plusieurs déterminants de la santé, notamment le statut socio-économique, l’ethnicité, l’éducation familiale. Plusieurs de ces déterminants interfèrent avec la santé des jeunes ainsi qu’avec l’effet des activités de promotion de la santé (OMS, 1999 ; MSSS, 2010 ; Renaud et Lafontaine, 2011).
41Enfin, il serait intéressant de cerner davantage les raisons pour lesquelles deux des trois composantes majeures explicatives des attitudes, soit les habitudes personnelles en matière de prévention de l’asthme et la perception de solutions accessibles et pratiques, ne semblent pas adéquates et pertinentes pour mesurer les attitudes des jeunes à l’égard de la prévention de l’asthme.