La photographie humanitaire en Afrique : analyse comparative des raisons, modalités et effets de sa mobilisation lors de son émergence (1904-1913) et pendant l'essor de la médiatisation des crises humanitaires (1967-1985)

Lenzen, Yann (2021). « La photographie humanitaire en Afrique : analyse comparative des raisons, modalités et effets de sa mobilisation lors de son émergence (1904-1913) et pendant l'essor de la médiatisation des crises humanitaires (1967-1985) » Travail dirigé. Montréal (Québec), Université du Québec à Montréal, Maîtrise en science politique.

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Résumé

Le présent travail de recherche s’attache à analyser une sélection de moments clés dans l’évolution de la trajectoire historique de la photographie humanitaire en Afrique : la campagne de la Congo Reform Association entre 1904 et 1913, la guerre civile et la famine subséquente au Biafra entre 1967 et 1970 et enfin la famine en Éthiopie entre 1984 et 1985. La première étude de cas illustre l’émergence de la photographie humanitaire. Les deux suivantes témoignent de l’essor de la médiatisation des crises humanitaires et font l’objet d’une analyse conjointe dans le second chapitre. J’ai tenté d’examiner les raisons, les modalités, et les effets de la mobilisation de la photographie lors de ces crises. L’argument principal qui s’est établi comme fil rouge de la réflexion est le suivant : en contexte humanitaire, la photographie se présente parfois comme élément de preuve des violations de droits humains, mais assume avant tout une fonction rhétorique. Elle est ainsi mobilisée en raison de la force émotionnelle et persuasive intrinsèque à l’image, afin de convaincre une audience éloignée, généralement en Europe et en Amérique du Nord, de la nécessité d’agir pour atténuer la souffrance d’une population considérée vulnérable. Ces trois études de cas ont ainsi permis de réfléchir à certaines des continuités et ruptures qui caractérisent l’histoire de la photographie humanitaire. Chacune des campagnes analysées à travers ce travail s’est révélée être le fruit de la collaboration pragmatique entre une diversité d’acteurs aux motivations et approches divergentes, témoignant de la nature hautement hétérogène de l’humanitarisme dans son ensemble. Concernant l’imagerie produite, on constate qu’un nombre restreint de tropes et procédés visuels sont employés de manière quasi-constante par les organisations : l’enfant en détresse, la mère et l’enfant, etc. De manière générale, les photographies privilégiées par les ONG et les médias dominants sont de nature sensationnelle et misérabiliste. Ces images ont tendance à se concentrer sur les conséquences des violations de droits humains et à occulter les causes structurelles, de nature politique ou économique, qui engendrent les crises humanitaires. Imbriquées dans la production d’un certain discours sur les droits humains, de telles photographies souffrent de contradictions similaires à l’humanitarisme dans son ensemble. La photographie humanitaire et l’humanitarisme offrent tous les deux une promesse d’émancipation, mais renforcent dans le même temps des rapports de domination. En effet, de telles images contribuent souvent à perpétuer des stéréotypes coloniaux et une relation de pouvoir patriarcale entre Occident/Nord global et Tiers-Monde/Sud global. Néanmoins, j’ai essayé de montrer que d’autres types de pratiques représentationnelles étaient également à l’oeuvre, par exemple avec le travail photographique de Gilles Caron au Biafra et celui de Sebastião Salgado en Éthiopie. Toutefois, de tels récits et reportages davantage nuancés sur les crises humanitaires ne font pas l’objet des mêmes efforts de publication. Les images dramatiques sont privilégiées, le sensationnel est davantage vendeur que l’ordinaire. Si la photographie humanitaire n’est pas inéluctablement vouée à produire des représentations misérabilistes, son enchevêtrement au sein de l’économie politique des médias et des ONG complique l’émergence et surtout la diffusion de pratiques représentationnelles alternatives. Par ailleurs, d’importants débats animent le secteur des ONG internationales sur ces enjeux de représentation. Des efforts sont déployés afin de redéfinir les termes de la relation entre l’Occident et le Tiers-Monde que les images sous-tendent. Ces débats aboutissent notamment à des efforts de codification de l’éthique de l’imagerie humanitaire suite à la famine en Éthiopie, signalant une volonté de rupture entre une imagerie principalement « négative » aux connotations coloniales au profit d’une iconographie davantage « positive » mettant l’emphase sur la dignité et l’agentivité des populations dépeintes.

Type: Travail dirigé (document diplômant)
Informations complémentaires: Fichier numérique reçu et enrichi en format PDF/A.
Directeur de thèse: Barsalou, Olivier
Mots-clés ou Sujets: Humanitaire / Victimes de catastrophes / Photographie documentaire / Afrique
Unité d'appartenance: Faculté de science politique et de droit > Département de science politique
Déposé par: Service des bibliothèques
Date de dépôt: 25 nov. 2022 15:57
Dernière modification: 25 nov. 2022 16:00
Adresse URL : http://archipel.uqam.ca/id/eprint/16172

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